Point de départ des intérêts sur les arriérés après fixation judiciaire du loyer

Par Charles-Edouard BRAULT

Cass. 3e civ., 18 juin 2014, n° 13-14.715, FS-P+B+I

Les intérêts dus sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courent à compter de la délivrance de l’assignation introductive d’instance en fixation du prix, lorsque le bailleur est à l’origine de la procédure, et à compter de la notification du premier mémoire en défense lorsque c’est le preneur qui a saisi le juge.


Cet arrêt destiné à la publication au bulletin de la Cour de cassation vient compléter la dernière jurisprudence et devrait mettre fin aux divergences jurisprudentielles et aux divers débats doctrinaux de ces dernières années.

Dans les termes de l’article 1153-1 du code civil, les intérêts sont dus à compter de la décision qui alloue une indemnité, tandis que l’article 1155 qui régit spécifiquement les loyers fait référence au jour de la demande ou de la convention.

Faut-il faire prévaloir la date de la convention et donc celle du renouvellement ou la date de la demande, soit en réalité la demande en justice ?

Dans un premier temps, la Cour de cassation a estimé que les intérêts étaient dus sur les rappels de loyers à compter de la demande en justice1.

L’arrêt du 20 mars 1969 précisait d’ailleurs que les intérêts moratoires attachés au loyer courent du jour de la demande en fixation du nouveau loyer « par le seul effet de la loi » et donc sans qu’il soit nécessaire de former une demande particulière.

Mais en 1988 la haute juridiction a abandonné sa jurisprudence antérieure en retenant comme point de départ des intérêts la date d’effet du renouvellement et au fur et à mesure des échéances contractuelles postérieures2.

Par cette décision, la Cour privilégiait la date de la convention à celle de la demande visée par l’article 1155 du Code Civil.

Cette jurisprudence restait appliquée durant un certain nombre d’années puis s’est trouvée controversée et remise en cause par certaines juridictions du fond qui retenaient que les intérêts ne pourraient courir qu’à compter de la date de la décision fixant le montant du loyer révisé ou renouvelé3.

Ces divergences ont pris fin à la suite d’un arrêt du 3 octobre 20124 par lequel la Cour de cassation a repris sa jurisprudence initiale : en l’absence de convention contraire relative aux intérêts, les intérêts moratoires attachés au loyer courent du jour de la demande en fixation du nouveau loyer.

L’arrêt du 18 juin 2014 s’inscrit donc dans le prolongement de cette jurisprudence en distinguant l’hypothèse où le bailleur est à l’origine de la procédure et celle de la notification d’un mémoire en défense lorsque le tribunal a été saisi par le preneur.

En l’espèce, un preneur a sollicité le renouvellement de son bail et le bailleur avait accepté le principe de ce renouvellement en sollicitant un loyer déplafonné.

Après notification d’un mémoire, la société locataire saisissait le juge des loyers commerciaux le 21 juillet 2010 tandis que le bailleur notifiait un mémoire en réponse le 10 septembre 2010.

La cour d’appel condamnait le preneur au paiement des intérêts moratoires à compter du 10 avril 2009, soit à compter de l’acceptation du principe de renouvellement par le bailleur.

La Cour de cassation censure cette décision en posant le principe que les intérêts courent à compter de la délivrance de l’assignation introductive d’instance lorsque le bailleur est à l’origine de la procédure et à compter de la notification du premier mémoire en défense lorsque c’est le preneur qui a saisi le juge des loyers commerciaux.

On observera que la solution aurait été vraisemblablement identique si le bailleur avait notifié un mémoire au lieu et place de son acceptation du principe de renouvellement et avant la saisine du juge des loyers par le preneur.


1 Cass. com. 14 janvier 1964 n°61-10361; Cass. 3ème Civ. 20 mars 1969 n°66-13915.
2 Cass. 3ème Civ. 23 mars 1988, n°86-18067; Gaz. Pal. 1989. I, som. page 47, obs Ph Brault.
3 CA Paris 4 nov. 2009 : Loyers cop. 2010, com. n°48 ; CA Paris 3 fév. 2010, Administrer juin 2010 page 41.
4 Cass. 3ème Civ. 3 octobre 2012, n°11-17177.