Les constructions édifiées par le preneur et l’estimation de l’indemnité d’éviction

Par Charles-Edouard BRAULT

Cass. 3e civ., 21 mai 2014, n° 13-10.257, FS-P+B


Le refus de renouvellement a mis fin au bail et permis au bailleur d’accéder aux constructions sans indemnité, ce dont il résultait que le preneur avait été évincé d’un terrain sans bâtiment.


La question de l’accession des travaux et constructions réalisés par le preneur se pose essentiellement en matière de déplafonnement du loyer et d’appréciation de la valeur locative.

Plusieurs hypothèses peuvent se rencontrer et l’accession peut être immédiate au fur et à mesure des constructions, intervenir en fin de bail ou en fin de jouissance avec les conséquences qui en découlent1.

La Cour de cassation a d’ailleurs récemment rappelé que des locaux ne peuvent être monovalents en raison des travaux effectués par le preneur si le bail prévoit une accession en fin de jouissance2 interdisant le déplafonnement et la prise en compte de ces travaux dans l’appréciation de la valeur locative.

Mais la question de l’incidence de la clause d’accession peut également se poser en matière d’éviction et c’est dans ce contexte qu’a été rendu le présent arrêt.

Un bail commercial avait été consenti sur un terrain sur lequel le preneur s’engageait à construire un bâtiment devant faire accession au bailleur sans indemnité en fin de jouissance.

Selon l’article L 145-I-2° du code de commerce, le statut s’applique aux baux de terrains nus sur lesquels des constructions sont édifiées avec l’accord du bailleur et à la condition qu’un fonds y soit exploité.

Le bailleur refusait le renouvellement du bail, de telle sorte que le locataire saisissait le tribunal d’une demande de paiement d’indemnité d’éviction.

Pour fixer cette indemnité d’éviction la cour d’appel relevait que le locataire avait dû construire un nouveau bâtiment pour transférer et exercer son activité, de telle sorte que l’édification de ce nouveau bâtiment donnait droit à indemnisation au profit du locataire évincé, cette indemnisation devant s’établir à partir du coût imposé pour la construction sur le nouveau terrain.

Mais cette motivation contredisait la clause contractuelle prévoyant l’accession des constructions au profit du bailleur à la libération du terrain, soit en fin de jouissance.

Si la Cour de cassation a posé le principe de la prise en compte des frais de réinstallation pour évaluer le préjudice subit par un locataire évincé tant en cas de perte de fonds que dans l’hypothèse du déplacement de celui-ci3, encore faut-il qu’aucune clause contractuelle ne vienne faire échec à ce type d’indemnisation.

La cassation était donc encourue, la haute juridiction relevant que le preneur avait été évincé d’un terrain sans bâtiment, et ce du fait de la clause d’accession au profit du bailleur.


1 Voir sur question : « le statut des baux commerciaux » Gaz. Pal. édition 2009, annot. sous art. R 145-8, page 248.
2 Cass. 3ème Civ. 21 mai 2004, arrêt n°13-12592 ; CA Caen 23 mai 2013, Loyers & Cop. 2013, comm. n°313.

Cass. 3ème Civ. 21 mars 2007, arrêt n°06-10780.