Les conditions de validité du droit de repentir

Par Charles-Edouard BRAULT

Cass. 3e civ., 1er octobre 2014, n°13-17.114, FS-P+B

Ayant exactement retenu que le paiement des frais de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction est une conséquence de l’exercice du droit de repentir et non une condition de sa validité, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que la nullité de l’exercice du droit de repentir par la bailleresse n’était pas encourue.


L’article L 145-58 du code de commerce institue le droit de repentir, soit la faculté accordée au bailleur qui a refusé le renouvellement du bail, de se raviser et d’offrir finalement le renouvellement sans avoir à payer l’indemnité d’éviction, mais en supportant les frais de l’instance.

L’exercice de ce droit de repentir n’obéit à aucune forme particulière et peut donc s’exprimer à travers un acte signifié par la Palais, un désistement d’instance et d’action ou une demande de fixation du loyer du bail renouvelé1.

L’article L 145-59 précise que la décision du bailleur est alors « irrévocable ».

Il s’agit non seulement d’une conséquence mais également d’une condition du droit de repentir qui permet à la jurisprudence de prononcer la nullité des repentirs conditionnels, telle l’offre de renouvellement notifiée sous réserve de l’issue d’un pourvoi en cassation portant sur les motifs du refus de renouvellement2.

Il a également été jugé que l’exercice d’un droit de repentir mettait fin aux procédures, de telle sorte que la poursuite d’une procédure de refus de renouvellement et de résiliation par un pourvoi en cassation devient sans objet3.

Dans l’affaire commentée, un bailleur avait refusé le renouvellement et offert de payer l’indemnité d’éviction et un jugement fixant cette indemnité avait été rendu.

Le bailleur avait ensuite exercé son droit de repentir et offert le renouvellement sans pour autant offrir de régler les frais de l’instance.
Le locataire saisissait ensuite le tribunal en soulevant la nullité du droit de repentir pour défaut de paiement des frais de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction.

La cour d’appel déboutait le locataire de sa demande, en rappelant qu’un bailleur pouvait se soustraire au paiement de l’indemnité à charge pour lui de supporter les frais de l’instance et de consentir au renouvellement du bail, mais que le paiement des frais de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction était une conséquence de l’exercice de celui-ci et non une condition de sa validité.

La cour de cassation rejette le pourvoi dont elle a été saisie en faisant sienne la motivation de la cour d’appel : « le paiement des frais de l’instance est une conséquence de l’exercice du droit de repentir et non une condition de sa validité, de telle sorte que la nullité du droit de repentir n’était pas encourue ».

Par son deuxième moyen de cassation, le locataire soulevait ensuite qu’il aurait pris des dispositions irréversibles pour quitter les locaux en engageant des procédures de licenciement, en fixant un déménagement et en mettant en place avec les services de la poste un changement d’adresse.

Mais la cour d’appel avait relevé que le licenciement économique des salariés n’était pas intervenu au jour de l’exercice du droit de repentir, tandis que les démarches pour le changement d’adresse avaient été entreprises une journée après la notification et qu’aucun élément ne permettait de justifier que le preneur aurait liquidé son stock, ni signé un nouveau bail en vue de sa réinstallation ou acheter un immeuble pour se faire.

Ce faisant, aucun processus irréversible de départ des lieux n’avait été engagé par la société locataire de nature à faire obstacle à l’exercice de droit de repentir, et le moyen était logiquement rejeté par la Cour de cassation.


1 Cf. « Le statut des baux commerciaux » Gaz. Pal. Ed. 2009 p. 2012.
2 Cass. 3ème Civ. 9 mars 2011 n°10-10409, Gaz. Pal. 2 juillet 2011 p. 32, note Ce Brault
3 Cass. 3ème Civ. 4 juillet 2012 n°11-19043.