Destination des lieux

Charles-Edouard BRAULT,
Avocat à la Cour

Bien que la destination des lieux prévue au bail vise des activités différentes de spectacles tels que manifestations sportives, boxe, tennis, patinage et tous autres spectacles de variétés, il n’y a pas lieu de faire de distinction entre ces différentes branches de spectacles et, après avoir rappelé que les lieux ne pouvaient être transformés en vue d’une destination différente sans réalisation de travaux importants et coûteux, les locaux présentent un caractère monovalent.

Références : Cass. 3ème civ., 3 décembre 2003, Soc. Garance Productions c/ Carrus et Iche (pourvoi en cassation c/ l’arrêt rendu le 11 janv. 2002 par la 16e ch. sect. B de la Cour d’appel de Paris).

 

Note : L’article 23-8 du décret vise les « locaux construits en vue d’une seule utilisation » et la jurisprudence a appliqué ce texte de manière extensive en assimilant aux locaux construits en vue d’une seule utilisation ceux qui ont subi des aménagements importants et anciens, excluant tout autre usage (Cass. 3e civ., 3 mai 1978 : Gaz. Pal. 1978, 2, pan. p. 266).

Désormais, la jurisprudence impose un critère objectif tiré de la possibilité d’affecter les locaux à une autre destination sans des travaux importants ou des transformations coûteuses (Cass. 3e civ., 29 avr. 1998 : Loyers et copr. 1998, comm. n° 271 ; Gaz. Pal. 1998, 2, p. 805, note J.D. Barbier).

Une décision a posé le principe que le caractère monovalent des locaux s’apprécie au regard de l’objet du bail (Cass. 3e civ., 7 juil. 1993 : Gaz. Pal. 1994, 1, p. 200, note J.D. Barbier) et c’est dans ces conditions qu’un certain nombre de décisions ont été rendues au regard des seules caractéristiques des locaux objets du bail, sans prendre en compte les autres clauses et conditions de la convention locative.

En l’espèce, les locaux avaient été donnés à usage de salle de bal et de patinage ainsi que pour des manifestations sportives et tous autres spectacles de variétés.

Afin d’éviter la fixation du loyer à la valeur locative en renouvellement, le preneur contestait l’application des dispositions de l’article 23-8 en relevant que la destination contractuelle, l’usage pour lequel les locaux avaient été originairement construits, et leur configuration, présentent un caractère polyvalent, exclusif des dispositions de l’article 23-8 du décret.

La Cour d’appel avait relevé que les locaux avaient été initialement construits à usage de salle de bal puis reconstruits à la suite d’un incendie pour ce même usage, et toujours utilisés depuis lors pour des divertissements liés aux spectacles.

À l’appui du rapport d’expertise, la Cour de Paris relevait que les locaux étaient constitués d’une surface plane avec des installations modulables et des sièges amovibles qui ne permettaient pas d’exclure le caractère monovalent, et que leur transformation en vue d’une destination différente ne pouvait s’opérer sans la réalisation de travaux importants et coûteux.

C’est dans ces conditions que la Cour d’appel avait fixé le loyer à la valeur locative en application des dispositions de l’article 23-8 du décret (CA Paris, 16e ch. B, 11 janv. 2002 : Loyers et copr. 2002, comm. 176).

D’autres décisions avaient retenu le caractère monovalent pour une salle de danse (CA Paris, 30 mars 1990 : Loyers et copr. 1990, comm. n° 394), ou pour un cabaretdiscothèque (Cass. 3e civ., 13 déc. 2000 : Gaz. Pal. 8-9 août 2001, p. 23).

En l’espèce, la Cour de cassation retient qu’il n’y a pas lieu de faire de distinction entre les différentes branches de spectacles alors que le preneur soutenait, dans son pourvoi, que le pluralisme des commerces autorisés par le contrat de bail excluait le caractère monovalent des locaux.

La Cour de cassation rejette cette argumentation au motif que la Cour d’appel avait relevé que les locaux ne pouvaient être transformés en vue d’une destination différente sans réalisation de travaux importants et coûteux.

Cette décision est donc conforme au principe posé, alors que la Cour de cassation a précédemment estimé que la clause « tous commerces » ne s’opposait pas à la qualification de locaux monovalents et à l’application éventuelle des dispositions de l’article 23-8 du décret (Cass. 3e civ., 27 nov. 2002 : Loyers et copr. 2003, comm. n° 133, obs. P.H. Brault).