Décisions récentes commentées par Maître Charles-Edouard BRAULT
COMMENTAIRES A LA GAZETTE DU PALAIS, NUMERO SPECIAL DROIT DES BAUX COMMERCIAUX, NOVEMBRE 2020 :
EXTENSION VOLONTAIRE AU STATUT DES BAUX COMMERCIAUX ET DÉFAUT D’IMMATRICULATION AU RCS (Cass. 3e civ., 28 mai 2020, n° 19-15001, FS-P+B+I) :
Le bail stipulant que les parties soumettent expressément la convention au statut des baux commerciaux, et ce même si toutes les conditions d'application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le seront que pour partie, le bailleur a dès lors renoncé à se prévaloir de la condition d’immatriculation du locataire au registre du commerce et des sociétés.
L’immatriculation du locataire au registre du commerce et des sociétés est une des conditions fondamentales d'application du statut des baux commerciaux, puisqu’à défaut le locataire n’aura droit ni au renouvellement du bail ni à une indemnité d'éviction (Cf. J.-D. Barbier et C.E. Brault, « Le statut des baux commerciaux », LGDJ éd. 2020, annot. sous art. L. 145-1, p. 23 et s.).
En l’espèce, la société locataire avait pris à bail une villa pour l’exercice d’une activité d'exploitation hôtelière et/ou para-hôtelière, consistant en la sous-location meublée de locaux situés dans le même ensemble immobilier avec mise à disposition de services et prestations para-hôtelières.
Le bailleur avait délivré congé avec refus de renouvellement et offre de payer l'indemnité d'éviction, puis avait ensuite rétracté cette offre d'indemnité d'éviction en raison du défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés à l’adresse des lieux loués, cette démarche étant parfaitement recevable puisqu’une dénégation du bénéfice du statut peut intervenir au cours de l’instance en fixation de l'indemnité d'éviction (Cass. 3e civ., 3 nov. 2016, n° 15-25427 : Loyers et copr. 2017, comm. 48, obs. P.-H.Brault), et tant qu’une décision n’a pas été rendue sur la fixation de cette indemnité d'éviction (Cass. 3e civ., 7 sept. 2017, n° 16-15012 : Gaz. Pal. 21 nov. 2017, p. 67, note C.-E. Brault).
En revanche, le bail comportait une stipulation précise selon laquelle « les soussignés affirment et déclarent leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu’il résulte des articles L. 145-1 du code de commerce et des textes subséquents ; et ce même si toutes les conditions d'application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie, en sorte qu’il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d'application dudit statut ».
En dépit de cette stipulation, la cour d’appel estimait que la clause ne prévoyait pas que le bailleur acceptait de façon non équivoque de dispenser le preneur de l'obligation d'immatriculation au registre du commerce.
Cette décision est censurée par la Cour de cassation au visa de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis.
Aux termes d’une stipulation claire et non équivoque (Cass. 3e civ., 29 mars 2000, n° 98-16760 - Cass. 3e civ., 25 avr. 2001, n° 99-15242), les parties peuvent conventionnellement choisir de soumettre le bail au statut des baux commerciaux, à la condition que cette soumission conventionnelle n’ait pas pour effet de soustraire le contrat à un autre statut d’ordre public.
Pour la Cour de cassation, en cas de soumission volontaire du bail au statut des baux commerciaux, la condition d'immatriculation n’est plus requise sans qu’une renonciation expresse du bailleur ne soit alors exigée. Lorsque la volonté des parties est claire et sans équivoque, ce qui était manifestement le cas en l’espèce, l’extension volontaire au bénéfice du statut emporte la soumission de plein droit du contrat au statut des baux commerciaux (Cf. également le commentaire de cette décision par E. Marcet, Loyers et copr. 2019, comm. 85.).
L’OBLIGATION DU BAILLEUR DE JUSTIFIER DES CHARGES LOCATIVES (Cass. 3e civ., 17 septembre 2020, n° 19-14168,FS-P+B+I) :
Pour conserver les sommes versées à titre de provisions, en les affectant à sa créance de remboursement, le bailleur doit justifier du montant des dépenses ; faute d’y satisfaire il doit restituer au preneur les sommes versées au titre des provisions.
Lorsqu’un bail prévoit le paiement par le preneur de provisions sur charges et taxes, et que le bailleur n’est pas ensuite en mesure de démontrer par la production de documents le justificatif des provisions, il doit alors restituer les sommes perçues (Cass. 3e civ., 7 avr. 2010, n° 09-11977).
Il s’agit de l'application du droit commun, puisqu’un créancier doit justifier de sa créance selon les dispositions de l'article 1353 du code civil (ancien art. 1315). C’est la raison pour laquelle, par un arrêt important du 5 novembre 2014, la haute juridiction avait décidé que le fait qu’un bailleur ne procède pas à la liquidation annuelle des charges dans les conditions prévues au contrat rendait sans cause les appels de provisions à valoir sur le paiement des charges (Cass. 3e civ., 5 novembre 2014, n° 13-24451).
La Cour de cassation confirmait ensuite le principe en rappelant qu’un bailleur qui ne produisait aucun justificatif des charges et taxes dont le remboursement faisait l’objet de provisions devait alors rembourser au locataire les provisions sur charges qui avaient été réglées (Cass. 3e civ., 9 juin 2015, n° 14-13555).
C’est d’ailleurs ce que vient préciser le nouvel article R. 145-36 du code de commerce puisqu’un bailleur doit, à la demande du locataire, lui communiquer « tous documents justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci ».
En l’espèce et dans son pourvoi, le bailleur estimait qu’il incombait à celui qui réclame la restitution de sommes qu’il prétend avoir indûment payées, de prouver le caractère indu du paiement.
Ce moyen qui allait à l’encontre du principe précédemment posé par la Cour de cassation était logiquement rejeté et la haute juridiction rappelle qu’il incombe au bailleur d’établir sa créance en démontrant l’existence et le montant des charges répercutées sur un locataire.
LE SOUS-LOCATAIRE OCCUPANT SANS DROIT NI TITRE DOIT RÉPARATION DE L’INTÉGRALITÉ DU PRÉJUDICE QU’IL CAUSE (Cass. 3e civ., 9 juillet 2020, n° 19-15874) :
Pour condamner la société sous-locataire à ne garantir que partiellement la locataire principale de l'indemnité d'occupation due au propriétaire, la cour d’appel retient que la sous-locataire ne s’était maintenue que sur une partie des locaux.Or, l’occupant sans droit ni titre doit réparer l’intégralité du préjudice qu’il cause au locataire principal par son maintien illicite dans les lieux.
Dans cette affaire, un bailleur avait donné à bail deux bâtiments à usage de concession automobile et garage, avec autorisation de sous-louer les locaux dont le caractère indivisible était prévu par le bail.
Le locataire principal avait ainsi sous-loué une partie des locaux à deux sociétés et continuait à exploiter son activité dans la troisième partie.
À l’issue de la période contractuelle de neuf années, ce locataire principal mettait fin au bail et dénonçait le congé aux sociétés sous-locataires.
Dans un premier temps, le locataire ne restituait pas les locaux à la date d’effet de son congé, mais obtenait un délai de grâce de plusieurs mois pour restituer les locaux moyennant sa condamnation à une indemnité d'occupation au profit du propriétaire.
Finalement, le locataire principal libérait la partie des locaux qu’il occupait, mais se trouvait contraint de poursuivre le paiement de l’intégralité de l'indemnité d'occupation au profit du propriétaire, en raison du maintien par un sous-locataire dans les locaux sous-loués.
Le tribunal était saisi afin de voir déclarer ce sous-locataire occupant sans droit ni titre des locaux, d’ordonner son expulsion sous astreinte, et d’être relevé indemne de l'indemnité d'occupation mise à sa charge.
La cour d’appel faisait droit à la demande du locataire principal, tout en limitant cependant la condamnation de la société sous-locataire au paiement d’une indemnité d'occupation partielle.
Dans son pourvoi, le locataire principal faisait donc grief à la cour d’appel de ne pas avoir retenu qu’il ne pouvait libérer la partie des locaux correspondant à l’occupation de ce sous-locataire qui s’était maintenu illicitement en l’absence de tout droit direct au renouvellement, de telle sorte que l’impossibilité de rendre au propriétaire la totalité des locaux du fait de leur indivisibilité était due au seul maintien fautif du sous-locataire.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa des dispositions de l'article 1240 du code civil (ancien article 1382) et du principe de réparation intégrale du préjudice, celui par la faute duquel un dommage est causé devant réparer le préjudice qui en découle, sans qu’il en résulte pour la victime perte ou profit.
En sa qualité d’occupant sans droit ni titre d’une partie de l’immeuble loué, le sous-locataire doit donc réparer l’intégralité du préjudice causé au locataire principal du fait de son maintien illicite dans les locaux sous-loués.
LE JUGE DOIT RECHERCHER, AU BESOIN D’OFFICE, SI LE LOYER CORRESPOND À LA VALEUR LOCATIVE (Cass. 3e civ., 17 septembre 2020, n° 19-19433) :
Pour fixer le loyer du bail renouvelé, une cour d’appel a retenu qu’à défaut d’éléments probants produits par le bailleur, dès lors que le locataire estimait la valeur locative à une certaine somme, le bailleur devait se voir opposer cette offre comme rendant compte de la valeur locative réelle des locaux, ce qui rendait inutile l'organisation d’une expertise.
En se déterminant ainsi alors qu’il lui incombait de rechercher d’office si le loyer du bail renouvelé correspondait à la valeur locative, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
L’article L. 145-33 du code de commerce pose le principe selon lequel le loyer doit correspondre à la valeur locative.
En l’absence d’ordre public, les parties disposent de la faculté d’aménager les conditions de fixation du loyer du bail renouvelé, dont les critères qui pourront être retenus pour apprécier la valeur locative (Cf. « Le statut des baux commerciaux » par J.-D. Barbier et C.-E. Brault : LGDJ éd. 2020, annot. sous L. 145-33, p. 177.), mais à défaut de disposition contraire cette valeur locative déterminée selon les critères légaux s’impose aux parties et au juge.
Le juge apprécie alors souverainement la valeur locative selon le mode de calcul qui lui paraît le plus approprié(Cass. 3e civ., 6 juil. 2005, n° 04-12613 - Cass. 3e civ., 18 juin 2013, n° 12-22226), mais encore faut-il qu’il recherche cette valeur locative.
C’est ce grief qui est retenu à l’encontre de la cour d’appel qui a fixé le loyer de renouvellement sans tenir compte des critères posés par l'article L. 145-33 du code de commerce, mais en retenant simplement le loyer offert dans la demande de renouvellement du locataire, en y appliquant ensuite une déduction du montant de la taxe foncière et un abattement de 10 % correspondant au transfert de certaines obligations sur le preneur.
À défaut de disposition contractuelle contraire, un loyer de renouvellement doit être automatiquement fixé à la valeur locative lorsqu’elle s’avère inférieure au calcul résultant du plafonnement et même à un prix inférieur au dernier loyer contractuel (Cass. 3e civ., 3 déc. 2003, n° 02-11374 : Gaz. Pal. 21 févr. 2004, p. 35, note C.-E. Brault ; Cass. 3e civ., 11 déc. 2007, n° 07-10476), tandis que cette fixation automatique à une valeur locative inférieure n’implique pas pour le locataire d’établir une quelconque modification notable d’un des éléments de la valeur locative (Cass. 3e civ., 5 nov. 2014, n° 13-21990 - CA Paris, 23 mai 2018, n° 14/10550 : Gaz. Pal. 20 nov. 2018, p. 84, obs. S. Chastagnier).
Mais le juge a l'obligation de rechercher la valeur locative, et son appréciation de cette valeur doit intervenir au regard des critères légaux, ce qui le conduit le plus souvent à ordonner une expertise (Cass. 3e civ., 29 nov. 2018, n° 17-27043 ).
CLAUSE D’ACCESSION PRÉVOYANT QUE LE BAILLEUR PEUT EXIGER LE RÉTABLISSEMENT DES LIEUX EN LEUR ÉTAT PRIMITIF ET DÉPLAFONNEMENT (Cass. 3e civ., 17 septembre 2020, n° 19-21713) :
Le bail contient une clause d'accession aux termes de laquelle le preneur a l'obligation « de laisser, à la fin du bail, ses modification ou améliorations au bailleur sans indemnité, à moins que celui-ci ne préfère le rétablissement des lieux loués dans leur état primitif ».
Par une interprétation souveraine de commune intention des parties, la cour d’appel a retenu que la clause d’accession s’appliquait à l’ensemble des travaux effectués par le preneur et que le renouvellement du bail étant incompatible avec la remise des lieux dans leur état primitif, cette clause d’accession ne pouvait jouer qu’à la fin des relations contractuelles.
La cour d’appel a donc pu en déduire que le bailleur ne pouvait se prévaloir des travaux effectués par le locataire au cours du bail expiré pour obtenir le déplafonnement du loyer du bail renouvelé.
- 1) Date de l’accession en cas de clause avec faculté d’exiger la remise des locaux en l’état primitif
On distingue habituellement l’accession stipulée en fin de bail d’une accession intervenant en fin de jouissance.
Dans le premier cas, le bailleur pourra invoquer les travaux d’amélioration comme motif de déplafonnement à l'occasion du second renouvellement suivant leur exécution, sauf si le bailleur en aura assumé la charge directement ou indirectement(Cass. 3e civ., 3 avr. 2012, n° 11-15225 - Cass. 3e civ., 14 mars 2019, n° 18-13221), tandis qu’il ne faudra pas que ces travaux aient déjà été pris en compte lors du premier renouvellement du bail (Cass. 3e civ., 9 nov. 2010, n° 09-71557 : Gaz. Pal. 2011, 1, p. 967, note C.-E. Brault).
En revanche, et dans l'hypothèse d’une accession stipulée en fin de jouissance, le bailleur ne pourra utilement invoquer les travaux à l'occasion d’un renouvellement et donc obtenir le déplafonnement du loyer pour ce motif (Cass. 3e civ., 21 mai 2014, n° 13-12592 ), de telle sorte que les travaux d’amélioration du locataire seront sans incidence sur la fixation du loyer jusqu’à son départ (CA Toulouse, 19 juin 2019, n° 17/04677 : Gaz. Pal. 12 nov. 2019, p. 76, obs. S. Chastagnier).
En l’espèce, le locataire avait réalisé d’importants travaux de modification des lieux loués, comprenant notamment la suppression de piliers porteurs et de parties de murs porteurs, tandis que le bailleur avait participé financièrement à une partie des travaux relatifs à la création d’issues de secours et au désamiantage.
Or, le bail contenait une clause rédigée de la manière suivante : « De ne pouvoir toucher aux gros murs qu’avec l'autorisation expresse et par écrit du bailleur, et sous la direction et la surveillance de son architecte, dont les honoraires seront payés par le preneur. De laisser à la fin du bail ces modifications ou améliorations au bailleur sans indemnité, à moins que celui-ci ne préfère le rétablissement des lieux loués dans leur état primitif. ».
Cette rédaction permettait-elle au bailleur de se prévaloir des travaux en raison d’une accession différée « à la fin du bail » mais avec la faculté pour le bailleur d’exiger la remise des locaux en leur état primitif ?
Pour la cour d’appel, de telles stipulations contractuelles devaient s’appliquer à l’ensemble des travaux effectués par le preneur, mais impliquaient que lesdits travaux ne feraient accession au bailleur qu’à l’issue des relations contractuelles, de telle sorte que la demande de déplafonnement ne pouvait prospérer.
La haute juridiction approuve la cour d’appel car l’option du bailleur qui lui permet de demander la remise des lieux en l’état primitif doit s’interpréter comme une accession ne jouant qu’au départ du locataire, soit à la fin des relations contractuelles, puisque ce n’est pas à l'occasion d’un renouvellement que les locaux doivent être remis dans cet état d’origine (Voir également : Cass. 3e civ., 7 févr. 2007, n° 05-21428 - Cass. 3e civ., 18 juin 2013, n° 12-22226).
2) Conséquences d’une accession en fin de relation contractuelle
La clause litigieuse devant s’analyser comme une accession au départ du locataire, il en découle des conséquences au titre de la mise en œuvre d’un motif de déplafonnement du loyer par un bailleur, mais également pour l'appréciation de la valeur locative.
Pour ce qui est d’invoquer un motif de déplafonnement du loyer en renouvellement en raison des travaux du locataire, la Cour de cassation rappelle qu’une accession en fin de relations contractuelles ne permet pas au bailleur de se prévaloir des travaux effectués par son preneur pour obtenir le déplafonnement du loyer en renouvellement (Cass. 3e civ., 21 mai 2014, n° 13-12592).
Lorsqu’il s’agira néanmoins d’apprécier la valeur locative des locaux (par exemple si le bailleur obtient le déplafonnement pour un autre motif ou si la valeur locative s’avère inférieure au loyer plafonné), l’ensemble des travaux, aménagements et améliorations réalisés par le locataire ne pourra être valorisé dans l'estimation de la valeur locative.
Il faut donc faire abstraction de l’ensemble desdits travaux.
Mais cette démarche s’avère délicate dans la mesure où l'appréciation de la valeur locative par un expert s’effectue en l’état des locaux à la date de l’expertise, soit après la réalisation de l’ensemble des aménagements par le locataire, tandis qu’il paraît difficile de reconstituer abstraitement l’état d’origine des lieux loués.
Compte tenu de cette situation, il est alors d’usage d’appliquer un abattement forfaitaire sur la valeur locative actuelle, et cet abattement apprécié souverainement par le juge du fond a été retenu à hauteur de 5 % pour des aménagements d’une agence bancaire (CA Nancy, 28 nov. 2018, n° 17/02268), de 15 % pour l’aménagement d’un parking (CA Aix-en-Provence, 15 mars 2018, n° 13/18325) ou même de 25 % en présence d’importants travaux réalisés pour la création d’un cinéma (Cass. 3e civ., 18 juin 2013, n° 12-22226).
ABATTEMENT DE LA VALEUR LOCATIVE EN CAS DE LOYER BINAIRE (CA Paris, 3 juin 2020, n° 18/20160) :
Les dispositions contractuelles fixant les critères de la détermination du loyer de base ne visent pas les dispositions du code de commerce, et aucune référence n’est faite à l'article L. 145-33 dudit code, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article R. 145-8 du code de commerce qui ne sont pas d’ordre public.
Les clauses de loyer variable selon lesquelles le loyer est défini en partie en fonction du chiffre d'affaires du locataire et en partie en fonction de la valeur locative ont été jugés valables pour la fixation du loyer de renouvellement (Cass. 3e civ., 10 mars 1993, n° 91-13418 : Loyers et copr. 1993, chron. 8, note P.-H. Brault - Cass. 3e civ., 7 mai 2002, n° 00-18153). La Cour de cassation a ensuite admis que le juge des loyers commerciaux pouvait statuer et fixer le loyer de base dès lors que cette compétence était expressément prévue par le bail, tandis que le loyer variable additionnel devait être considéré comme une modalité particulière de fixation du loyer pouvant justifier un abattement de la valeur locative (Cass. 3e civ., 3 nov. 2016, n° 15-16826 et n° 15-16827 : Gaz. Pal. 14 mars 2017, p. 68, note C.-E. Brault).
La Cour de cassation rappelait ensuite qu’une stipulation selon laquelle le loyer d’un bail était calculé sur la base du chiffre d'affaires du preneur sans pouvoir être inférieur à un minimum équivalent à la valeur locative des lieux loués n’interdisait pas, lorsque le contrat le prévoyait, de recourir au juge des loyers commerciaux pour évaluer la valeur locative déterminant le minimum garanti (Cass. 3e civ., 29 nov. 2018, n° 17-27798 : Gaz. Pal. 19 mars 2019, n° 345f6, p. 70, note C.-E. Brault).
Dans ses arrêts du 3 novembre 2016, la haute juridiction guidait le juge du fond en rappelant qu’il ne devait pas seulement fixer la valeur locative mais prendre en compte l’ensemble des critères au regard d’un éventuel abattement qui pouvait découler d’une part variable selon un pourcentage du chiffre d'affaires.
Compte tenu de ce principe, un tribunal appliquait un abattement du chef de l'obligation contractuelle de payer un loyer variable additionnel, en estimant qu’il en résultait une obligation imposée au locataire, tandis que le fait qu’aucun surloyer n’avait été appliqué au cours du bail échu pouvait être pris en compte pour déterminer le quantum mais pas pour écarter purement et simplement le principe de l'abattement (TGI Créteil, 27 juin 2018, n° 15/00009).
En revanche, un autre jugement avait refusé d’appliquer un quelconque abattement en relevant que la variabilité du loyer calculé sur le chiffre d'affaires hors taxes de la locataire reviendrait à porter atteinte à l’équilibre économique du contrat librement accepté par les parties (TGI Reims, 12 sept. 2018, n° 17/00556).
L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 juin 2020 statue en appel du jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 27 juin 2018.
La cour d’appel précise tout d’abord que les baux conclus entre les parties dans les pourvois examinés par la Cour de cassation dans ses arrêts des 3 novembre 2016 et 28 novembre 2018 stipulaient expressément, en cas de désaccord, que le loyer de base serait fixé par le juge selon la valeur locative déterminée par les dispositions du statut des baux commerciaux, dont notamment l'article L. 145-33 du code de commerce, de telle sorte que les parties étaient convenues de faire application, en cas de fixation par le juge, des critères légaux de la valeur locative.
En l’espèce, le bail prévoyait le recours au juge en cas de désaccord des parties pour fixer le loyer de base en fonction de la valeur locative, mais avec pour seule condition que cette valeur locative serait déterminée par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents du centre commercial, sauf à être corrigée en considération des différences constatées entre le local et les locaux de référence.
Les parties n’étaient donc pas convenues de se référer à l'article L. 145-33 du code de commerce qui n’est pas d’ordre public, et la cour d’appel en déduit que le critère de la valeur locative relatif aux obligations respectives des parties n’est alors pas applicable, ni même les dispositions découlant de l'article R. 145-8 du code de commerce.
Ceci étant, le juge n’avait pas pour mission d’appliquer un abattement au titre de la part variable du loyer, et un tel abattement ne pouvait donc être retenu.
À titre surabondant, la cour d’appel précise que les parties étaient convenues d’un loyer variable correspondant à un pourcentage du chiffre d'affaires qui ne pouvait être inférieur à un loyer minimum garanti non additionnel et égal à la valeur locative, de telle sorte qu’il n’en résultait pas une obligation contractuelle à la charge du locataire de verser, en plus du loyer garanti, une part variable.
LA DEMANDE DE RÉAJUSTEMENT DU LOYER EN RAISON D’UNE SOUS-LOCATION EST SOUMISE À LA PROCÉDURE SUR MÉMOIRE (Cass. 3e civ., 9 juillet 2020, n° 19-16290) :
Lorsque le montant du loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d’exiger une augmentation correspondante du loyer de la location principale. À défaut d’accord entre les parties, celle-ci est déterminée selon les règles de compétence et de procédure en matière de contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé. Celles-ci sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire qui statue sur mémoire.
La demande d’un bailleur de réajustement du loyer en application des dispositions de l'article L. 145-31 alinéa 3 du code de commerce, soulevée subsidiairement à une demande de fixation du loyer du bail renouvelé, n’a pas été valablement formée si elle n’a pas fait l’objet d’un mémoire préalable.
Afin de faire échec aux éventuelles finalités spéculatives des contrats de sous-location, l'article L. 145-31 du code de commerce autorise un bailleur à solliciter une augmentation du loyer du bail principal lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au loyer principal (Cf. J.-D. Barbier et C.E. Brault, « Le statut des baux commerciaux », LGDJ éd. 2020, annot. sous art. L. 145- 31, p. 170 et s.).
Ce texte précise qu’à défaut d’accord des parties la procédure de réajustement du loyer est alors déterminée selon une procédure fixée par décret en Conseil d’État, en application des dispositions de l'article L. 145-56 du code de commerce.
Après quelques hésitations et bien qu’il ne s’agisse pas d’une contestation relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé prévue à l'article R. 145-23 dudit code, la Cour de cassation est venue préciser qu’il s’agissait d’une procédure sur mémoire relevant de la compétence du juge des loyers commerciaux (Cass. 3e civ., 7 févr. 2007, n° 05-20252 : Gaz. Pal. 26 juil. 2007, p. 13, note C.-E. Brault).
En l’espèce, le juge des loyers puis la cour d’appel se trouvaient saisis de la fixation du loyer du bail renouvelé pour laquelle le bailleur sollicitait le déplafonnement sur le fondement de l'article L. 145-34 du code de commerce.
Devant la cour d’appel, et parallèlement à la procédure de fixation de loyer en renouvellement, le bailleur ajoutait une demande de réajustement du loyer sur le fondement de l'article L. 145-31 du code.
Il s’agissait donc de deux demandes tendant à obtenir une augmentation du loyer, mais sur des fondements juridiques différents et avec des conséquences distinctes puisque la fixation du loyer de renouvellement porte sur toute la durée du bail tandis qu’un réajustement du loyer principal n’intervient que pour une certaine durée, soit pour le temps de la sous-location.
Cette demande complémentaire de réajustement du loyer était rejetée par la cour d’appel aux termes d’une motivation incertaine selon laquelle la perception des loyers de la sous-location devait être appréciée dans le cadre d’un éventuel déplafonnement du loyer de renouvellement.
Dans son pourvoi, le bailleur rappelait que l’action en réajustement s’exerçait indépendamment du renouvellement du bail et n’était donc pas soumise aux règles de l'article L. 145-34 du code de commerce.
Mais quelle que soit la motivation retenue par le juge du fond, il s’agit bien de deux procédures distinctes impliquant l’une comme l’autre de notifier un mémoire en demande préalable à la saisine du juge des loyers commerciaux.
En reprenant sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation relève donc que la demande du bailleur en réajustement du prix du loyer principal n’avait pas fait l’objet d’une notification d’un mémoire préalable et n’avait donc pas été valablement formée.
LE SEUL FAIT D’EXERCER LE DROIT DE REPENTIR POUR ÉVITER LE PAIEMENT D’UNE INDEMNITÉ D'ÉVICTION N’EST PAS FAUTIF (Cass. 3e civ., 9 juillet 2020, n° 18-25329) :
Le fait qu’un bailleur exerce son droit de repentir pour éviter le paiement d’une indemnité d'éviction ne peut caractériser, à lui seul, un exercice fautif de ce droit.
Le droit de repentir institué par l'article L. 145-58 du code de commerce accorde la faculté au bailleur qui a refusé le renouvellement d’un bail de se raviser et d’avoir ainsi à éviter de payer l'indemnité d'éviction en renonçant à son refus de renouvellement (Cf. J.-D. Barbier et C.E. Brault, « Le statut des baux commerciaux », LGDJ éd. 2020, annot. sous art. L. 145-58, p. 283 et s.).
Les conditions d’exercice du droit de repentir sont encadrées puisqu’un bailleur ne pourra plus exercer son droit si le locataire n’est plus dans les lieux ou s’il a engagé un processus irréversible de départ, ou s’il a déjà loué ou acheté d’autres locaux.
S'agissant de la condition du locataire demeurant encore dans les lieux, il a été jugé qu’un repentir était valable lorsque les opérations de déménagement du locataire n’étaient pas terminées et que les clefs n’avaient pas été restituées, de même lorsque le licenciement des salariés n’était pas intervenu et que le locataire n’avait pas liquidé son stock.
En revanche, le repentir n’est pas régulier s’il intervient avec précipitation alors qu’un preneur a commencé son déménagement qui devait s’achever le lendemain, ou lorsque le bailleur était informé du processus irréversible de départ des lieux et de l’imminence de la remise des clefs.
Pour ce qui est de la question de la réinstallation du locataire, la principale difficulté relèvera de l’opposabilité au bailleur de l’acte dont se prévaut le locataire, qui doit avoir acquis date certaine avant l’exercice du droit de repentir.
En l’espèce, le bailleur avait exercé son droit de repentir près de quatre années après son refus de renouvellement et trois années de procédure judiciaire.
Durant cette période, l’intérêt du site d’implantation des lieux loués s’était fortement dégradé puisque l’ensemble des commerces qui se trouvaient installés dans la galerie marchande avait disparu, que le bailleur avait obtenu un permis de démolir de l’immeuble, tandis qu’un nouvel ensemble immobilier avait été construit à proximité immédiate.
C’est donc vraisemblablement pour tenir compte de ces circonstances de fait que la cour d’appel avait déclaré nul et de nul effet le droit de repentir au motif qu’il avait été exercé par le bailleur avec l’intention de faire échec à tout risque de paiement de l'indemnité d'éviction.
La décision est logiquement sanctionnée par la Cour de cassation.
Il paraît bien évident que l’essence même du droit de repentir est d’éviter d’avoir à payer l'indemnité d'éviction, et cet objectif ne peut donc caractériser un exercice fautif du droit de repentir.
On peut néanmoins s’interroger sur le motif pour lequel le locataire demeurait dans les locaux alors que l’environnement commercial s’était fortement dégradé, ce qui laissait alors au bailleur la faculté d’exercer son droit de repentir…