Décisions récentes commentées par Maître Charles-Edouard BRAULT
COMMENTAIRES A LA GAZETTE DU PALAIS, NUMERO SPECIAL DROIT DES BAUX COMMERCIAUX, DU 17 JUILLET 2018 :
- NULLITE DU CONTRAT DE LOCATION-GERANCE ET DECHEANCE DU DROIT A RENOUVELLEMENT DU BAIL (Cass. 3e civ, 22 mars 2018, n° 17-15830)
Le contrat de location-gérance conclu en violation des dispositions de l’article L. 144-3 du Code de commerce énonçant les conditions exigées du loueur, qui n’ont pas pour finalité la protection des intérêts particuliers des parties, est atteint d’une nullité absolue et la déchéance du droit à renouvellement du bail, prévue par l’article L. 144-10, est encourue dès lors que le preneur consent un contrat de location-gérance atteint par la nullité prévue à l’alinéa 1er du même texte.
Lorsque le bail n’interdit pas la mise en location-gérance du fonds, encore faut-il que cette location-gérance soit régulière au regard des dispositions de l'article L. 144-3 du Code de commerce. Ce texte prévoit que le propriétaire du fonds doit avoir exploité pendant deux années au moins le fonds mis en gérance, et ce délai légal peut être supprimé ou réduit par le tribunal lorsque le propriétaire du fonds justifie qu’il se trouvait dans l’impossibilité d’exploiter son fonds personnellement ou par l’intermédiaire de préposés.
En cas d’infraction à ces dispositions, la sanction est sévère puisque l'article L. 144-10 du Code de commerce prévoit que la location-gérance est alors nulle : « La nullité (…) entraîne à l’égard des contractants la déchéance des droits qu’ils pourraient éventuellement tenir des dispositions du chapitre V du présent titre réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeuble ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal ».
Dès lors, une location-gérance consentie en violation des dispositions de l'article L. 144-3 du Code de commerce entraîne pour le locataire la déchéance de son droit au renouvellement du bail.
En l’espèce, la cour d'appel de Pau avait estimé que la faute était susceptible d’entraîner la nullité du contrat de location-gérance mais ne constituait pas un motif grave et légitime de nature à priver le preneur du bénéfice d’une indemnité d'éviction dès lors que le bailleur ne rapportait pas la preuve d’un préjudice qui aurait été subi sur le fondement de l’ancien article 1382 du Code civil.
Cet arrêt est cassé car en concluant prématurément le contrat de location-gérance, sans avoir obtenu la suppression ou la réduction du délai de deux années préalablement à la conclusion du contrat, le preneur encourait la nullité du contrat de location-gérance sur le fondement de l'article L. 144-10, al. 1er, du Code de commerce.
La Cour décide que la règle posée par l’article L. 144-3 dudit code n’a pas pour finalité la protection des intérêts particuliers des parties mais concerne l’ordre public.
Dès lors, la déchéance du droit au renouvellement du bail est automatique.
- DROIT DE PREEMPTION LEGAL DU LOCATAIRE ET VENTE DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER (Cass. 3e civ, 17 mai 2018, n° 17-16113) :
Ayant retenu que la vente aux enchères publiques de l’immeuble constituant l’actif de la SCI en liquidation était une vente judiciaire, et relevé que le preneur n’était locataire que pour partie de l’ensemble immobilier mis en vente, le terrain ayant été donné à bail à d’autres sociétés, la cour d’appel en a à bon droit déduit que les dispositions de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce n’étaient pas applicables et que la cession globale de l’immeuble ne pouvait donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption par le preneur.
A l’instar du dispositif prévu en matière de locaux d’habitation par l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989, l'article L. 145-46-1 du Code de commerce instaure un droit de préemption au profit du locataire commerçant.
En l’espèce, la vente des lieux loués intervenait dans le cadre de la liquidation amiable de la bailleresse et d’une vente judiciaire dont le principe avait été retenu compte tenu de la mésentente entre les associés et de la nécessité de rechercher le meilleur prix.
La Cour de cassation vient préciser le champ d'application du droit de préemption qui serait exclu d’une vente judiciaire et qui ne pourrait donc s’appliquer lorsque le preneur n’est locataire que d’une partie de l’ensemble immobilier mis en vente, et ce même si l’autre partie de l’ensemble immobilier n’est pas constitué d’un local commercial mais d’un simple terrain.
Le droit de préemption du locataire ne pourrait donc jouer qu’en cas de vente de gré à gré et non pas de vente judiciaire. Il est vrai d’ailleurs que la loi se place dans l'hypothèse où le propriétaire « envisage » de vendre son bien, et il s’agit donc d’une démarche volontaire qui ne peut s’assimiler à une vente provoquée ou subie. C’est ce qu’avait retenu une cour d’appel qui avait estimé que le droit de préemption du locataire commercial n’était pas applicable aux ventes sur saisies immobilières puisqu’il ne s’agissait pas d’une vente volontaire mais d’une vente forcée (CA Bastia, 20 janv. 2016, n° 15/00833).
Il ne serait pas non plus applicable à la cession d’un ensemble immobilier dont font partie les locaux loués, même si cet ensemble immobilier ne comprend qu’un local commercial.
- CLAUSE D’AGREMENT ET CESSION-DESPECIALISATION POUR DEPART A LA RETRAITE (Cass. 3e civ., 5 avr. 2018, n° 17-14882) :
Pour rejeter la demande d'indemnisation dont elle était saisie par la société cessionnaire, une cour d’appel retient que la cession a été conclue en méconnaissance de la clause d'autorisation préalable et écrite du bailleur stipulée au bail.
En statuant ainsi alors qu’une telle clause d’agrément est contraire aux dispositions d’ordre public de la cession de bail en cas de départ à la retraite du locataire, la cour d’appel a violé les articles L. 145-51 et L. 145-15 du Code de commerce.
Cette décision intervient dans un contexte particulier dans le prolongement de la notification, par un preneur qui avait fait valoir ses droits à la retraite, de céder son droit au bail à une société commerciale en cours de formation pour l'exploitation d’une nouvelle activité de bar-restaurant.
Dans le délai légal de deux mois visé à l'article L. 145-51 du Code de commerce, le bailleur précisait qu’il entendait faire usage de son droit de priorité de rachat découlant de ces dispositions.
Mais ce rachat ne s’était pas concrétisé et un acte de cession était finalement conclu quelques mois plus tard.
Le bailleur a ensuite contesté la validité de cette cession en raison de la clause d'agrément prévue par le bail et dont la portée avait été méconnue par les parties.
Il assignait la société cessionnaire en nullité de l’acte de cession, et un protocole d'accord était finalement négocié avec le cédant. Selon les énonciations visées dans le moyen, ce protocole entraînait la cession du fonds au bénéfice du bailleur mais la cessionnaire pressentie maintenait une demande en paiement de dommages et intérêts.
Il convenait donc d’apprécier la validité d’une clause d’agrément préalable et écrit du bailleur dans le cadre du droit de cession de bail prévu par les dispositions de l'article L. 145-51 du Code de commerce, étant rappelé qu’il s’agit de dispositions d’ordre public visées expressément par l'article L. 145-15.
La validité de la clause d’agrément litigieuse devait s’apprécier au regard des droits du preneur à la cession-déspécialisation d’ordre public de l'article L. 145-51, qui ne doit pouvoir être limitée par l’existence d’une clause d'agrément dès lors que les droits du bailleur sont limitativement prévus par le texte.
La Cour de cassation censure donc la décision au visa des dispositions des articles L. 145-51 et L. 145-15 du Code de commerce, en relevant que la clause d'agrément s’avérait contraire aux dispositions d’ordre public de la cession de bail en cas de départ à la retraite du locataire.
On relèvera que depuis la réforme issue de la loi du 18 juin 2014, la clause est alors réputée non écrite.
- CONGE A ECHEANCE TRIENNALE ET COMPUTATION DES DELAIS (Cass. 3e civ, 8 mars 2018, n° 17-11312) :
La prorogation prévue à l’article 642 du Code de procédure civile ne s’applique que lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, la cour d’appel qui, ayant retenu que le congé qui devait être donné six mois avant l’échéance triennale et prendre effet au 30 septembre d’une année, dernier jour de ce mois, devait être signifié par le preneur au bailleur avant le dernier jour du mois de mars précédent, soit au plus tard le 31 mars de la même année, en a exactement déduit que le congé signifié le 2 avril 2013 ne pouvait produire effet au 30 septembre 2013.
La computation des délais peut réserver de fâcheuses surprises lorsqu’il s’agit de délivrer un congé à échéance triennale, et ce au regard des dispositions de l'article 642 du code de procédure civile qui prévoit une prorogation du délai lorsqu’il s’agit d’accomplir un acte « avant l’expiration d’un délai ».
L’article L. 145-4 du code de commerce autorise le locataire à délivrer congé à l’expiration d’une période triennale « au moins six mois à l’avance » et le bailleur a la même faculté dans certaines hypothèses prévues par le texte en délivrant alors congé dans les formes de l’article L. 145-9, soit également « six mois à l’avance ».
En l’espèce, un preneur avait tardivement préparé un congé le 29 mars 2013 et ce dernier n’avait été signifié au bailleur que le 2 avril suivant puisque les samedi, dimanche et lundi précédant cette date étaient fériés.
La question était donc de savoir si ce congé avait pu prendre effet au 30 septembre 2013, étant rappelé que ce congé n’est pas nul mais que ses effets peuvent être reportés à la date pour laquelle il aurait dû être régulièrement donné, impliquant dès lors le risque pour le locataire de voir les effets de ce congé reportés au 30 septembre 2016.
La haute juridiction avait d'ores et déjà rappelé que les dispositions de l'article 642 du code de procédure civile ne s’appliquaient que lorsqu’un acte ou une formalité devait être accompli avant l’expiration d’un délai (Cass. 2e civ., 4 févr. 1998, n° 96-13391).
En l’espèce, la Cour de cassation rejette logiquement le pourvoi dont elle était saisie en rappelant à nouveau que la prorogation de délai prévue à l'article 642 du code de procédure civile ne s’appliquait que lorsqu’un acte ou une formalité devait être accompli avant l’expiration d’un délai.
Ce n’est que dans l'hypothèse d’un acte qui doit être signifié avant l’expiration du délai que la règle de la prorogation pourra s’appliquer si le dernier jour de ce délai expire par exemple un samedi ou un dimanche.
- FIXATION JUDICIAIRE DU LOYER ET POINT DE DEPART DES INTERETS (Cass. 3e civ., 12 avr. 2018, n° 16-26514) :
Pour rejeter la demande du bailleur au titre des intérêts et de la capitalisation, la cour d’appel retient que le bail est assorti d’une clause d'échelle mobile permettant la variation automatique du loyer de nature à éviter que se crée un différentiel de loyer tel qu’il résulte de la présente fixation par rapport au loyer fixé au bail expiré.
En statuant ainsi, après avoir fixé à une certaine somme le loyer du bail renouvelé, alors que les intérêts dus sur la différence entre le loyer du bail renouvelé et le loyer payé depuis le renouvellement court, en l’absence de convention contraire, à compter de la délivrance de l'assignation en fixation du prix, la cour d’appel a violé l'article 1155 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016.
Par cet arrêt publié au bulletin, la Cour de cassation rappelle sa jurisprudence rendue au visa de l'article 1155 du Code civil dans la rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
L’indexation conventionnelle du loyer ne peut être confondue avec la perception d’intérêts au taux légal dans le cadre d’une procédure de fixation du loyer déplafonné en révision ou en renouvellement, et la question du point de départ des intérêts dus sur les rappels de loyer découlent de l'article 1155 du Code civil.
Par un arrêt du 3 octobre 2012, la Cour de cassation précisait que les intérêts moratoires attachés au loyer courent du jour de la demande en fixation du nouveau loyer par le seul effet de la loi, et ce en l’absence de convention contraire (Cass. 3e civ., 3 oct. 2012, n° 11-17177).
Les intérêts ne partent donc pas à la date du renouvellement mais à celle de l'assignation, car la demande en fixation du loyer doit s’entendre de la demande judiciaire au sens de l'ancien article 1154 du Code civil.
Par le présent arrêt, la haute juridiction réaffirme sa position.
Toutefois, la décision est rendue au visa de l’ancien article 1155 du Code civil, et cet article a été abrogé par l'ordonnance du 10 février 2016.
La question des intérêts est dorénavant prévue par le nouvel article 1231-6 du Code civil qui prévoit la perception de l’intérêt au taux légal à compter d’une mise en demeure. La nature de la mise en demeure d’un débiteur est traitée par le nouvel article 1344 du Code civil et consiste en une sommation ou en un acte portant interpellation suffisante.
Sous l’empire de ces nouvelles dispositions, il faut donc remplir l'obligation de mise en demeure puisque les intérêts ne seraient désormais plus exigibles par le seul effet de la loi.
- LISSAGE DU DEPLAFONNEMENT ET OFFICE DU JUGE (Cass. 3e civ, 9 mars 2018, n° 17-70040) :
L'étalement de l'augmentation du loyer déplafonné prévu par le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du Code de commerce s'opère chaque année par une majoration non modulable de 10 % du loyer de l'année précédente.
Il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux, mais dans celui des parties, d'arrêter l'échéancier des loyers qui seront exigibles durant la période au cours de laquelle s'applique l'étalement de la hausse du loyer instauré par ce texte.
La loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux TPE, a instauré l’encadrement du déplafonnement du loyer en révision et en renouvellement avec un système de lissage qui s’applique aux déplafonnements en renouvellement et en révision, les articles L. 145-34, L. 145-38 et L. 145-39 du Code de commerce prévoyant, en cas de déplafonnement du loyer, que « la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ».
La doctrine avait soulevé à plusieurs reprises que la mise en place des paliers de 10 % du loyer s’ajoutant année par année au loyer précédemment exigible pouvait créer une distorsion entre la valeur locative et le loyer désormais exigible en cas de déplafonnement, tandis que cette valeur locative pouvait ne jamais être atteinte si la durée de neuf années n’était pas suffisante
C’est dans ces conditions qu’une question prioritaire de constitutionnalité était posée à la Cour de cassation.
La Cour rappelle que l’étalement de l'augmentation d’un loyer déplafonné s’opère chaque année par une majoration non modulable de 10 % du loyer de l’année précédente, avant de préciser qu’il n’entre pas dans l’office du juge des loyers commerciaux, mais dans celui des parties, d’arrêter l’échéancier des loyers qui seront exigibles durant la période au cours de laquelle s’applique l’étalement de la hausse du loyer.
Dans ses motifs, la haute juridiction rappelle la compétence du juge des loyers commerciaux qui se trouve limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé.
Le mécanisme du lissage est donc distinct de la fixation du loyer et le juge ne peut donc établir l’échéancier des loyers exigibles.
Cette distinction doit d’ailleurs permettre de conforter les bailleurs sur le montant du loyer à prendre en compte pour le calcul du plafonnement du loyer en renouvellement ou même en révision.
Par une importante décision du 6 mars 2013, la 3e chambre civile de la Cour de cassation avait précisé, au visa de l'article L. 145-34 du Code de commerce, que « pour la fixation du prix du bail renouvelé, la variation indiciaire prévue par l'article L. 145-34 du Code de commerce doit être appliquée au loyer initial acquitté par le preneur lors de la prise d’effet du bail renouvelé, nonobstant la fixation dans le bail expiré d’un loyer progressif par paliers » (Cass. 3e civ., 6 mars 2013, n° 12-13962, Gaz. Pal. 19-20 avril 2013, p. 26, obs. C E Brault).
La Cour de cassation apporte les apaisements requis, puisqu’elle précise que l'article L. 145-34 en son dernier alinéa n’instaure qu’un étalement de la hausse du loyer qui résulte d’un déplafonnement, et ce sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative.
Il ne devrait donc plus subsister de difficulté et la prise en compte, pour le calcul d’un loyer plafonné, d’un premier palier payé par le preneur, ne pourrait intervenir que dans l'hypothèse d’une fixation conventionnelle du loyer par paliers, tandis que les paliers d'augmentation prévus par la loi ne constituent qu’un étalement à la hausse du loyer exigible, sans affecter la fixation du loyer en elle-même.
Pour autant, une première difficulté pourra survenir en cas de fort déplafonnement du loyer impliquant que l’étalement de la hausse de 10 % par an ne suffise pas à atteindre la valeur locative à l’échéance du bail. Cette question avait été soulevée en 2013 dès l’examen du premier projet de loi, et aucune réponse précise n’a été depuis lors apportée.
S’il appartient aux parties d’arrêter l’échéancier des loyers exigibles, une difficulté pratique pourra dès lors se rencontrer sur la date à laquelle cet échéancier devra s’arrêter : l’étalement pourra-t-il se prolonger au renouvellement suivant du bail alors même que la fixation du loyer du nouveau renouvellement ne sera pas encore purgée ?
Lorsque l’on sait que les relations entre un bailleur et son locataire sont souvent conflictuelles, une difficulté pourra se rencontrer en cas de désaccord des parties sur l’échéancier des loyers exigibles ensuite d’un déplafonnement.
Si le juge des loyers n’est pas compétent, vers quelle juridiction pourront alors se retourner les parties ?
Il n’est donc pas certain que les parties puissent saisir le juge de l'exécution, car le juge des loyers commerciaux aura rendu un titre exécutoire uniquement sur la fixation du loyer et non pas sur le calcul de l’échéancier d’étalement à la hausse année par année.
Ceci pourrait impliquer la saisine du tribunal de grande instance statuant au fond, et l’éventualité d’une nouvelle procédure ne relevait certainement pas de l’intention du législateur.
- RESILIATION ANTICIPEE DU BAIL PAR L’ADMINISTRATEUR JUDICIAIRE (Cass. com. 24 janv. 2018, n° 16-13333) :
Il résulte de l'article L. 622-14, 1° du Code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, que la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l’activité de l’entreprise intervient au jour où le bailleur est informé de la décision de l’administrateur de ne pas continuer le bail.
Si l'article L. 622-13, II, du même code fait obligation à l’administrateur de résilier un contrat à exécution successive à défaut de fonds suffisants pour acquitter le terme suivant, cette obligation ne lui interdit pas de mettre un terme à tout moment à des contrats de bail, même si les loyers peuvent être payés à l’échéance.
La résiliation étant, par application de la loi, effective dès le jour où le bailleur en est informé, le fait que l’administrateur lui ait indiqué que la résiliation n’interviendrait qu’à une date ultérieure n’a pas eu pour effet de la rendre irrégulière ni d’en différer la date.
Dans cette espèce, une société locataire de locaux à usage commercial faisait l’objet d’une procédure de sauvegarde, et l'administrateur adressait au bailleur, le jour du plan de sauvegarde, une lettre l’informant de la résiliation différée du bail.
Il faut rappeler qu’un bailleur ne peut provoquer la résiliation d’un bail en raison d’un défaut de paiement des loyers antérieurs au jugement d’ouverture (article L. 622-21 du Code de commerce) et doit respecter un délai de carence pour poursuivre la résiliation du bail en cas de défaut de paiement des loyers postérieurs (article L. 622-14 du Code de commerce).
Dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, l'administrateur peut mettre fin au bail s’il lui apparaît qu’il ne dispose pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant, et cette résiliation anticipée peut faire l’objet d’une déclaration au passif du locataire au titre du préjudice subi par le bailleur (article L. 622-13 du Code de commerce).
Ces dispositions sont complétées par l'article L. 622-14 qui offre la possibilité à l'administrateur de ne pas poursuivre le bail en informant le bailleur.
La décision de la Cour de cassation permet d’apprécier la portée de l’exercice du droit de résiliation anticipée par l'administrateur.
Le bailleur contestait la faculté de l'administrateur de dénoncer à tout moment le bail en cours sans avoir à apporter une quelconque justification, ainsi que la date d’effet de cette dénonciation, puisque l'administrateur entendait repousser les effets de cette résiliation à l’expiration d’un délai de six mois, soit en contradiction avec les dispositions légales.
Tout en rappelant les dispositions de l'article L. 622-13, II, du Code de commerce, la haute juridiction estime que l'administrateur peut mettre un terme, à tout moment, à un contrat de bail, même si les loyers sont payés à l’échéance et que cet administrateur dispose, à priori, des fonds nécessaires pour assurer le paiement des termes suivants.
S'agissant de la date de la résiliation, l'article L. 622-14 du Code de commerce impose de plein droit aux parties une prise d’effet de la résiliation anticipée le jour où le bailleur est informé de la décision de l'administrateur, et ce avec les conséquences qui en découlent au titre de l’exigibilité du loyer et des charges.
En l’espèce, l'administrateur a certainement souhaité éviter que la locataire supporte la réparation d’un préjudice qui serait né d’une rupture immédiate du bail, en indiquant au bailleur que la résiliation n’interviendrait qu’à une date ultérieure.
La Cour de cassation vient préciser que cette notification, avec une prise d’effet différée, ne porte pas atteinte à la résiliation elle-même, mais qu’elle ne peut différer la date effective de la résiliation. Celle-ci intervient de manière anticipée au jour de la réception de la notification de l'administrateur.
Ceci étant, l'administrateur ne peut reporter la résiliation sous la forme d’un préavis, et les dispositions de l'article L. 622-14 du Code de commerce ne lui permettent pas de différer la date d’effet de la résiliation du bail.
Compte tenu de cette décision, le locataire qui se maintiendra au-delà de la date de notification de résiliation par l'administrateur deviendra occupant sans droit ni titre et donc redevable d’une indemnité d'occupation de droit commun, tandis que le bailleur a la faculté de déclarer au passif une créance au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale du bail.