Prescription d’une action en requalification

Par Charles-Edouard BRAULT

Cass. 3e civ., 1 er octobre 2014, pourvoi n° 13-16.806, FS-P+B+I

La demande tendant à faire constater l’existence d’un bail soumis aux statuts né du fait du maintien en possession du preneur à l’issue d’un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l’article L 145-5 du Code de Commerce, n’est pas soumise à la prescription biennale.


Les contestations portant sur l’assujettissement d’un contrat aux statuts des baux commerciaux interviennent souvent après plusieurs baux dérogatoires successifs, de telle sorte que dans les faits l’occupant revendique un fondement statutaire qu’au jour ou ses droits sont contestés.

On s’est donc interrogé sur l’application éventuelle de la prescription biennale à l’égard d’un occupant laissé en possession à l’issue d’un bail dérogatoire.

Dans cette hypothèse, il avait été jugé que l’occupant avait la faculté de revendiquer le bénéfice du statut sitôt passé le premier jour du maintien en possession et non seulement à compter de l’échéance de baux dérogatoires ultérieures quelle que soit la fraude alléguée.

Un bailleur était alors fondé à opposer la prescription biennale de l’article L 145-60 du code de commerce et la demande de requalification de l’occupant s’avérait irrecevable pour cause de prescription1 .

En l’espèce, un bail avait été consenti sur des terrains pour une durée de vingt-trois mois avec l’autorisation d’y installer deux containers reliés par un toit en taule pour y exercer une activité d’atelier et de bureau.

Près de quatorze ans après la fin de ce bail dérogatoire le liquidateur du bailleur assignait l’occupant en expulsion et paiement d’une indemnité d’occupation.

La cour d’appel a estimé que la demande de requalification n’était pas prescrite au motif que cette demande pouvait être faite par voie d’exception, de telle sorte que si l’action de revendication du statut intentée plus de deux ans après la fin du premier bail dérogatoire serait irrecevable, un locataire négligeant laissant s’écouler le bref délai de deux ans sans réagir pourrait invoquer par voie d’exception la nullité de la clause fixant la durée du bail à une durée inférieure à celle visée à l’article L 145-12 du code de commerce.

La Cour de cassation ne se prononce pas sur la faculté pour un preneur d’opposer une exception à la demande d’expulsion dont le juge du fond avait été saisi, mais pose le principe qu’une demande tendant à faire constater l’existence d’un bail soumis au statut des baux commerciaux du fait du maintien en possession à l’issue d’un bail dérogatoire n’est pas soumise à la prescription biennale.

Cette solution apporte une certaine sécurité au preneur laissé en possession à l’issue d’un bail dérogatoire et doit donc être approuvée. 

En revanche, les conséquences d’un bail soumis aux dispositions statutaires sont réglées par la prescription biennale de telle sorte que l’action en fixation du loyer à la valeur locative 2 est soumise à la prescription biennale.


1 CA Orléans, 25 juin 2009 : Loyers et cop. 2009, com. n°295 – Obs Ph. Brault. 
2 Cass. 3e civ., 14 déc. 2005, Gaz. Pal. 16 juin 2006, page 18 – Obs Ce BRAULT ; administrer fév. 2006, p 28 – note Jd Barbier ; Loy. & Cop. 2006, comm. n°35.