Modalités de fixation du loyer en renouvellement

Philippe-Hubert BRAULT,
Avocat à la Cour

Rien ne s’oppose à ce que les parties choisissent d’un commun accord de déterminer à l’avance par une stipulation du bail les conditions de fixation du prix du bail renouvelé.

Référence : Cass. 3ème civ., 10 mars 2004, Sté Sud Loire distribution c/ Sté Jardiflor (pourvoi c/ CA Rennes, 7ème Ch. civ., 13 mars 2002)

 

NOTE : La Cour de Cassation a rappelé récemment que l’application des indices de référence en renouvellement ne devait pas éluder la recherche, au besoin d’office, par la juridiction saisie de l’adéquation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative (Cass. 3ème civ., 3 décembre 2003, Loyers et copr. 2004, com. n° 13, obs. Ph.H. Brault, AJDI 2004, p. 284, obs. M.B Dumont).

Mais dans quelle mesure, cette recherche s’imposerait-elle en présence de paramètres conventionnels qui modifieraient les critères légaux ou réglementaires ?

La Cour de Cassation avait été saisie d’un pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt de la Cour de Rennes qui avait estimé nulle, comme contraire à l’article L 145-15 du Code de commerce, une clause prévoyant d’intégrer “... à l’expiration des neuf années du bail... “ une surface de 21 m2 non prise en considération dans le loyer initial du bail, et de calculer le loyer sur la base de la nouvelle surface, moyennant un prix unitaire réévalué en fonction de l’indice du coût de la construction publié par l’INSEE : selon cet arrêt, le cumul d’un taux d’actualisation du loyer ancien et de la révision selon les indices avait pour effet de dissuader le preneur d’exercer son droit à renouvellement à des conditions économiques sans rapport avec la progression des données commerciales survenue parallèlement sur un temps relativement bref.

En analysant les prétentions des parties, la Cour de Rennes avait relevé que si celles-ci pouvaient déroger aux règles imposées au juge en renouvellement, cette liberté ne saurait “aboutir à l’anéantissement de la règle posée par l’article 23 (L 145-33 du Code de commerce) et de la règle du plafonnement posée par l’article 23-6 (L 145-34 du Code de commerce) qu’autant que, par une clause expresse, les parties ont signifié leur intention commune de fixer le loyer du bail renouvelé selon des schémas étrangers à celui instauré par le décret (clause recettes par exemple)”.

En outre, la détermination plusieurs années à l’avance d’une valeur locative fictive avait été stigmatisée “... cette notion étant par essence contingente et reflétant une réalité économique qui doit être contemporaine de la date du renouvellement et qui ne peut, par conséquent, être fixée au hasard, neuf années à l’avance, sans considération pour le contexte économique qui présidera la définition des critères de la valeur locative au moment même du renouvellement....”.

Le cadre était ainsi posé pour un débat qui ne devait pas nécessairement concerner la fixation du loyer du bail renouvelé, les conventions locatives évoquant la modification d’assiette et les modalités de fixation du prix “... à l’expiration des neuf années du bail...” : on peut se demander dans quelles conditions les stipulations contractuelles auraient reçu application si le bail s’était poursuivi par tacite reconduction et le loyer révisé par application des dispositions d’ordre public de l’article L 145-38 du Code de commerce.

Ceci étant, la décision a le mérite de clarifier les rapports bailleur-locataire en renouvellement selon les textes en vigueur (définition des critères de la valeur locative et des conditions du plafonnement ou du déplafonnement du loyer en renouvellement) au regard de l’article L 145-15 qui répute nulles et de nul effet les clauses qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement dont bénéficie, en principe, le preneur.

Il est indéniable que ce texte ne fait pas expressément référence aux modalités de fixation du loyer en renouvellement et son application reste subordonnée à la preuve par le preneur que les stipulations insérées dans le bail ou des actes subséquents tendraient indirectement à faire échec à son droit de renouvellement, démarche admise en l’espèce par les premiers juges, puis par la Cour de Rennes, sans apparemment qu’une discussion ne se soit instaurée sur le terrain de la prescription biennale qui aurait pu être opposée par le bailleur au terme des neuf années du bail.

En autorisant les parties à déterminer à l’avance par une stipulation du bail les conditions de fixation du prix du bail renouvelé, la Cour de Cassation valide les aménagements permettant le cas échéant d’éluder les dispositions de l’article 23-3 alinéa 2 du décret, comme de déterminer les éléments de référence qui seraient pris en considération au regard des critères posés par l’article 23-5, de même que les stipulations concernant le mode de fixation lui-même.

Cette démarche s’inscrit dans le même sens que celle qui est à l’origine de l’arrêt “Théâtre Saint-Georges” et des nombreuses décisions subséquentes validant la pérennité de la clause recettes, même en renouvellement, et de ce fait l’application de l’article 1134 du Code civil au détriment des règles de fixation du loyer selon les critères des articles L 145-33 et L 145-34 du Code de commerce (cf. note Yves Rouquet s/Cass. civ. 10 mars 2004, D. 2004, p. 878).

Mais quelle que soit l’approche ainsi validée, il reste que le principe posé ne devrait pas empêcher le bailleur d’exercer le droit d’option découlant de l’article L 145-57 du Code de commerce, puisqu’à l’occasion des litiges portant sur des baux à loyer variable, le principe a été posé par la Cour de Cassation qu’en cas de désaccord sur le prix du bail, le propriétaire a toujours la faculté de refuser le renouvellement de celui-ci dans les conditions prévues par l’article L 145-57 du Code de commerce (Cass. 3ème civ., 12 juin 2003, Loyers et copr. 2003, com. n° 155, Ph.H. Brault, chron. n° 7, juillet-août 2003).