Le décret du 11 Mars 2015 et les procédures en matière de baux commerciaux

LE DECRET DU 11 MARS 2015 ET LES PROCEDURES EN MATIERE DE BAUX COMMERCIAUX

Charles-Edouard BRAULT
Avocat Associé
Cabinet BRAULT & Associés

Ce décret a notamment pour objectif la mise en œuvre de processus susceptibles de diminuer le nombre de contentieux en imposant de préciser, dans l’assignation ou la requête, les diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable du conflit.
On peut néanmoins s’interroger sur les effets de cette réforme qui n’apportent pas de novations réelles au déroulement des instances en matière de baux commerciaux où la médiation ou la conciliation s’imposent peu à peu avec succès.

Le décret n° 2015-282 a notamment pour objet d’inciter à recourir à des modes alternatifs de résolution des litiges en obligeant les parties à indiquer, dans l’acte de saisine, les démarches effectuées à cet effet.

Sauf motif légitime tenant à l’urgence ou intéressant l’ordre public, l’assignation ou la requête doit donc préciser les diligences mises en œuvre pour parvenir à une résolution amiable.

A défaut, le Juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation.

Les derniers alinéas des articles 56 et 58 du Code de procédure civile sont donc modifiés, tandis que l’article 127 est totalement réécrit.

L’objectif poursuivi vise à mettre en œuvre des processus susceptibles de diminuer le nombre de contentieux et s’inscrit, pour le domaine des baux commerciaux, dans le prolongement de la loi du 18 juin 2014 qui avait étendu la compétence de la Commission de conciliation aux litiges relatifs aux charges et aux travaux (C-E. Brault, « Loi du 18 juin 2014 : Le congé et les évolutions procédurales », Gaz. Pal. 8 et 9 août 2014 page 37).

On peut s’interroger sur la nature des diligences entreprises pour parvenir à cette résolution amiable et qui devront être mentionnées à l’assignation.

Les huissiers préconisent l’utilisation d’un formulaire tandis que les indications portées devront nécessairement être corroborées par des pièces visées et produites au débat judiciaire.

Il semble que ces mentions ne sont pas requises à peine de nullité car elles ne figurent pas dans l’énumération prévue à cet effet aux articles 56 et 58 du CPC.

Cependant, et à défaut d’avoir mentionné les diligences entreprises qui s’avèrent obligatoires depuis le 1er avril 2015, le demandeur se verra privé de certains modes alternatifs puisque seules la conciliation ou la médiation peuvent être proposées par le Tribunal.

Quoi qu’il en soit, on peut s’interroger sur les effets de cette réforme qui n’apportent pas de novations réelles au déroulement des instances en matière de baux commerciaux où la médiation ou la conciliation s’imposent peu à peu.

Les divers modes alternatifs de règlement des conflits connaissent un certain succès et permettent souvent d’apaiser les relations entre les parties et d’aboutir à un accord (M. Lassner, « Les baux commerciaux et la médiation » : Gaz. Pal. 20 avril 2013, page 15 ; H. Vercken, « La procédure participative adaptée aux conflits relatifs aux baux et loyers commerciaux », RLDA juin 2013 page 4644).

Pour les procédures de fixation du loyer, il faut rappeler que la notification à l’autre partie du mémoire en demande permet d’assurer une information personnelle et de tenter de trouver un accord sur le montant du nouveau loyer révisé ou renouvelé.

Le Juge des Loyers Commerciaux ne peut être saisi avant un délai d’un mois suivant la notification de ce mémoire en demande. Il n’apparait donc pas utile d’imposer d’autres démarches qui seraient destinées à trouver un accord sur le prix du nouveau loyer puisqu’en cas de désaccord, le Tribunal désigne un Expert qui aura pour mission de donner un avis sur les modalités de fixation du loyer révisé ou renouvelé.

En pratique, c’est donc en cours d’expertise ou après dépôt du rapport qu’un accord amiable intervient fréquemment.

En l’absence de ce rapport d’expertise judiciaire, on voit difficilement un médiateur ou un conciliateur permettre de dégager un accord puisqu’il manquerait un élément essentiel, à savoir l’estimation de la valeur locative.

D’ailleurs, si les Tribunaux devaient suivre strictement la nouvelle exigence de tentative de résolution amiable, cela reviendrait à imposer le recours à la Commission de conciliation dont la saisine pourrait ne plus être facultative…

En ce qui concerne les autres litiges relevant du droit commun et portant sur les dispositions du statut des baux commerciaux, la tentative préalable de résolution du litige présente sans nul doute des intérêts.

L’exception tenant à l’urgence devrait s’appliquer pour les procédures après autorisation d’assigner à jour fixe puisque la requête et l’assignation devront nécessairement justifier des motifs justifiant de l’urgence.

Pour la grande majorité des litiges pouvant opposer bailleurs et preneurs, la mesure de conciliation ou de médiation permettra souvent d’aboutir à un accord et d’apaiser les tensions dans le cadre de relations contractuelles qui ont vocation à perdurer.

Cependant, un certain nombre de litiges ne sont pas de nature à pouvoir être réglés par une mesure de conciliation ou de médiation. Tel est le cas en cas de contestation du droit au renouvellement : même si le demandeur ne justifie pas de diligences préalables à la saisine du Tribunal, seul ce dernier pourra trancher la difficulté et dire si le locataire à droit au renouvellement ou au paiement d’une indemnité d’éviction.

Ce n’est qu’après que le droit au renouvellement ou au paiement de l’indemnité sera consacré par le Juge qu’une mesure de médiation ou de conciliation pourrait s’avérer utile…

En matière d’acquisition de clause résolutoire, il parait également difficile de tenter d’imposer à un bailleur un règlement préalable et amiable du litige puisque le texte d’ordre public offre d’ores et déjà un délai d’un mois au locataire pour satisfaire au commandement ou à la mise en demeure visant la clause résolutoire.

Si le locataire saisi d’ailleurs le Tribunal en formant opposition au commandement, il pourra alors s’agir d’un des cas d’urgences prévu par le décret.

En définitive, l’objectif poursuivi ne semble pas apporter une novation réelle au débat judiciaire en matière de baux commerciaux dans la mesure où la médiation et la conciliation s’imposent d’ores et déjà avec succès.