Décisions récentes du 27-02-2018

COMMENTAIRES A LA GAZETTE DU PALAIS, NUMERO SPECIAL DROIT DES BAUX COMMERCIAUX, DE MARS 2018 :
 
NULLITE D'UNE DEMANDE DE RENOUVELLEMENT SIGNIFIEE AU SEUL USUFRUITIER (Cass. 3ème civ, 19 octobre 2017, n° 16-19843) :
 
Ayant relevé que la demande de renouvellement du bail commercial avait eu pour unique destinataire l'usufruitier du bien loué, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en constatant la nullité de cette demande de renouvellement.
 
Selon l'article 595 alinéa 4 du code civil, l'usufruitier ne peut donner à bail un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal sans le concours du nu-propriétaire.
 
On doit dès lors s'interroger sur la nécessité pour le preneur de notifier simultanément une demande de renouvellement à l'usufruitier et au nu-propriétaire avec les difficultés qui peuvent en découler pour identifier le ou les nus propriétaires si le locataire n'est en relation qu'avec l'usufruitier qui encaisse les loyers.
 
Tirant argument des dispositions de l'article L 145-10 qui permet de présenter une demande de renouvellement au gérant de l'immeuble et, en cas de pluralité de propriétaires, à un seul d'entre eux, une cour d'appel avait estimé qu'il n'y avait pas d'identité nécessaire entre le destinataire de la demande de renouvellement et la personne qui peut consentir à ce renouvellement.
 
Par son arrêt du 19 octobre 2017, la Haute juridiction statuait à la suite de l'arrêt rendu par la cour d'appel de renvoi et maintient la sanction encourue en l'application des dispositions des articles 595 du code civil et L 145-10 du code de commerce lorsque la demande de renouvellement du bail commercial a pour unique destinataire l'usufruitier du bien loué.
 
La demande de renouvellement est alors nulle et ne peut produire les effets escomptés et cette solution est alors lourde de conséquences pour le locataire puisque le bail peut alors se trouver prorogé de fait et lui faire ainsi perdre le bénéfice d'un éventuel plafonnement du loyer en renouvellement en cas de prolongation effective supérieure à douze années.
 
LA CLAUSE RESOLUTOIRE DOIT ETRE MISE EN ŒUVRE DE BONNE FOI (Cass. 3ème civ, 1er février 2018, n° 16-28.684) :
 
Une cour d'appel doit rechercher, comme il le lui était demandé, si la clause résolutoire a été mise en œuvre de bonne foi par le bailleur et non dans le but de se soustraire aux travaux lui incombant et réclamés par le preneur avant la délivrance de la mise en demeure.
 
Plusieurs conditions sont requises pour la mise en œuvre de la clause résolutoire. Il faut une infraction aux clauses et conditions du bail imputable au locataire, que cette infraction soit sanctionnable au regard de la portée de la clause résolutoire, que le manquement ait perduré au-delà du délai d'un mois après le commandement ou la mise en demeure par exploit d'huissier et que la clause résolutoire soit invoquée de bonne foi par le bailleur.
 
Cette dernière condition donne lieu à un important contentieux, puisque le juge du fond doit vérifier si le bailleur n'a pas mis en œuvre la clause résolutoire de mauvaise foi (Cass. 3ème civ, 1er décembre 2016, n° 15-25884 ; Cass. 3ème civ, 23 juin 2015, n° 14-12606), cette condition s'appréciant à la date de signification du commandement (Cass. 3ème civ, 22 octobre 2015, n° 14-17645).
 
En l'espèce, un bailleur avait délivré un commandement visant la clause résolutoire en visant trois infractions. S'il n'était pas contestable que le locataire avait réalisé divers travaux sans autorisation du bailleur, en violation manifeste avec les obligations du bail, le preneur mettait en avant le fait que certains travaux relevaient des obligations de mise en conformité qui avaient impliqué une démolition/reconstruction afin de mettre en sécurité le bâtiment.
 
La cour d'appel n'avait pas suivi le raisonnement du locataire en se bornant simplement à constater que les violations indiscutables au bail n'avaient pas été régularisées dans le délai d'un mois rappelé dans la sommation visant la clause résolutoire.
 
L'arrêt est sanctionné par la Cour de cassation qui rappelle que le juge du fond doit rechercher si la clause résolutoire a été mise en œuvre de bonne foi par le bailleur.
 
Il appartenait dès lors au juge du fond de vérifier si le bailleur n'avait pas engagé la procédure de clause résolutoire pour se soustraire à ses obligations relatives à la structure du bâtiment loué.
 
ABSENCE D'OPPOSITION A UNE DEMANDE DE RENOUVELLEMENT ET RESILIATION POUR DES MANQUEMENTS ANTERIEURS (Cass. 3e civ, 1er février 2018, n° 16-29054) :
 
Pour prononcer la résiliation du bail, une cour d'appel retient que l'absence de réponse du bailleur à la demande de renouvellement dans le délai de trois mois ne vaut pas acceptation des manquements contractuels antérieurs à cette demande et n'a aucune conséquence sur la demande en résiliation du bail dès lors que celui-ci peut être résilié à tout moment et que la société locataire a réalisé dans les lieux loués, sans l'accord préalable du bailleur, des travaux de réaménagement des locaux, ce qui caractérise des manquements aux dispositions contractuelles.
 
En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le bailleur ne s'était pas opposé à la demande de renouvellement du bail et qu'il avait invoqué des manquements contractuels antérieurs à la date à laquelle le bail s'était renouvelé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.
 
Un bailleur dispose de plusieurs initiatives pour voir sanctionner une faute imputable au locataire : il peut agir selon les dispositions statutaires en invoquant le bénéfice de la clause résolutoire après une mise en demeure ou en refusant le renouvellement pour motif grave et légitime, ou agir selon le droit commun en poursuivant la résiliation du bail sur le fondement des articles 1184 ou 1741 du code civil.
 
Lorsqu'un preneur délivre une demande de renouvellement, le bailleur qui n'a pas répondu à cette demande dans le délai de trois mois, peut-il obtenir la résiliation judiciaire du bail pour des manquements contractuels antérieurs à la date du renouvellement ?
 
La Cour de cassation, dans son arrêt du 1er février 2018, vient répondre à cette question.
 
Au visa des dispositions des articles L 145-10 du code de commerce et 1184 devenu 1224 du code civil, la Cour précise que le bailleur qui ne s'est pas opposé à la demande de renouvellement du bail ne peut dès lors invoquer des manquements contractuels antérieurs à la date du renouvellement.
 
Selon la jurisprudence, un bailleur qui ne répond pas à la demande de renouvellement dans le délai de trois mois peut toujours dénier le bénéfice du statut des baux commerciaux à son locataire et peut également invoquer des motifs de refus de renouvellement qu'il n'aurait découverts que postérieurement à la demande du renouvellement (Cass. 3ème civ, 4 mai 1982, n° 80-16305, Rev. Loy. 1983, p. 221).
 
La Cour de cassation aligne ce principe à la procédure de résiliation judiciaire de droit commun.
 
Dorénavant et compte tenu de la position de la Cour de cassation dans son arrêt du 1er février 2018, il importe aux bailleurs et aux gestionnaires d'immeubles d'être vigilants en cas de demande de renouvellement de bail signifiée par un locataire.
 
Le défaut de réponse à cette demande de renouvellement ne pourra justifier un refus pour motif grave et légitime ni même une procédure de résiliation judiciaire au titre des infractions connues à la date du renouvellement.
 
UN BAIL DEROGATOIRE PEUT ETRE VALABLEMENT CONCLU APRES LA FIN D'UN BAIL SOUMIS AU STATUT (Cass. 3ème civ, 1er février 2018, n° 16-23122) :
 
Ayant relevé que la société locataire avait mis fin au bail commercial en délivrant congé pour la seconde échéance triennale, la cour d'appel a exactement retenu que les parties pouvaient valablement conclure, après la fin de ce bail, un bail dérogatoire.
 
La régularisation d'un bail dérogatoire qui se trouvera soumis aux dispositions du Code civil obéit à l'article L 145-5 du code de commerce. Alors que cet article précise qu'on ne peut déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux et régulariser un bail dérogatoire que dans l'hypothèse de " l'entrée dans les lieux du preneur ", des parties précédemment liées par un bail commercial peuvent-elles ensuite régulariser un bail dérogatoire alors que le preneur est matériellement déjà dans les lieux ?
 
Selon la Cour de cassation, l'entrée dans les lieux prévue par le texte vise la prise de possession en exécution du bail conclu avec le propriétaire et il s'agit donc de l'entrée juridique dans les lieux et non de l'entrée factuelle dans les lieux (Cass. 3ème civ, 15 avril 1992, n° 90-18093 voir également Cass. 3ème civ, 30 mars 2017, n° 16-10786)
Plus récemment, la Cour de cassation est allée plus loin dans son raisonnement en estimant qu'il importait peu que le premier bail soit régularisé avec un tiers ou avec le bailleur lui-même, l'entrée du preneur énoncée à l'article L 145-5 du code de commerce visant la prise de possession des locaux en exécution du bail dérogatoire, peu important que le preneur les ai occupés antérieurement en vertu d'un autre titre depuis expiré (Cass. 3ème civ, 2 mars 2017, n° 15-28068).
 
La décision rendue par la Cour de cassation le 1er février 2018 se situe dans la même perspective sans pour autant s'attacher à la notion d'entrée dans les lieux du preneur : les mêmes parties peuvent valablement conclure, après la fin d'un bail soumis au statut des baux commerciaux, une nouvelle convention dérogatoire telle que prévue par l'article L 145-5 du code de commerce.
 
LA MISE EN ŒUVRE DE LA CLAUSE RESOLUTOIRE EXIGE UN EXPLOIT D'HUISSIER (Cass. 3ème civ, 21 décembre 2017, n° 16-10583) :
 
La mise en œuvre d'une clause de résiliation de plein droit d'un bail commercial ne peut résulter que d'un acte extrajudiciaire.
 
La mise en œuvre d'une clause résolutoire doit respecter les dispositions d'ordre public prévues à l'article L 145-41 du code de commerce qui encadre le mécanisme en prévoyant notamment un commandement (il s'agira en réalité d'un commandement visant le défaut de paiement d'une somme ou d'une sommation visant une infraction à une autre obligation contractuelle).
 
Cependant, la Cour de cassation avait approuvé dans des conditions surprenantes une cour d'appel qui avait estimé qu'une lettre recommandée valant sommation remplissait les conditions prévues lorsqu'il en résultait une interpellation suffisante du débiteur conformément aux dispositions de l'ancien article 1139 du code civil (Cass. 3ème civ, 13 mars 2002, n° 00-17391).
 
En réalité, cet arrêt de rejet ne semblait pas créer de réels bouleversements puisque les juridictions du fond continuaient, dans leur très grande majorité, à considérer que la lettre recommandée avec avis de réception adressée au locataire et visant expressément la clause résolutoire ne pouvait valablement faire jouer cette clause résolutoire et ne produisait les effets que d'une simple mise en demeure (Voir notamment : CA Paris, Pôle 5, Chambre 3, 23 octobre 2013, n° 11/20070).
 
C'est ainsi qu'intervient l'arrêt de la Cour de cassation du 21 décembre 2017 destiné notamment à la publication au bulletin, dans un contexte où un bailleur avait simplement mis en demeure son locataire d'avoir à régler des arriérés de loyers et charges, et ce par lettre recommandée avec accusé de réception.
 
La Cour de cassation pose clairement le principe : la mise en œuvre de la clause de résiliation de plein droit d'un bail commercial ne peut résulter que d'un acte extra-judiciaire.
 
Dès lors, même si une simple mise en demeure rappelle expressément le délai légal d'un mois prévu par le texte d'ordre public et constitue une interpellation parfaitement claire du locataire, la forme d'un acte extra-judiciaire s'impose en toutes circonstances pour la mise en jeu de la clause résolutoire.
 
EVICTION ET REPARATION DU TROUBLE COMMERCIAL (Cass. 3ème civ, 7 décembre 2017, n° 15-12452) :
 
Pour limiter à une certaine somme l'indemnité d'éviction, la cour d'appel retient que le locataire évincé ne peut prétendre à l'indemnisation d'un trouble commercial dès lors qu'il avait connaissance, en procédant à l'achat du fonds de commerce, du refus du renouvellement du bail par le bailleur.
 
En statuant ainsi, alors que le cessionnaire d'un fonds de commerce a droit à la réparation du trouble commercial que lui cause l'éviction, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L 145-14 du code de commerce.
 
L'indemnité d'éviction prévue par l'article L 145-14 du code de commerce, doit permettre d'indemniser le locataire de l'ensemble du préjudice découlant de l'éviction.
 
En l'espèce, il s'agissait de déterminer si un locataire qui avait fait l'acquisition du fonds de commerce après le refus de renouvellement du bailleur pouvait prétendre à la réparation d'un trouble commercial.
 
L'expert judiciaire avait proposé d'écarter le principe de l'indemnisation du trouble commercial et la cour d'appel suivait cet avis en relevant que la décision d'éviction du bailleur était connue du locataire avant l'achat du fonds de commerce de telle sorte qu'il n'y avait pas à faire supporter au bailleur les conséquences de cette situation.
 
Cette position est logiquement censurée par la Cour de cassation qui rappelle qu'un cessionnaire d'un fonds a droit à la réparation du trouble commercial que lui cause l'éviction.
 
Cette décision doit naturellement être approuvée car, au même titre que le locataire en titre à la date du refus de renouvellement, le cessionnaire du fonds évincé a droit à la réparation de l'ensemble du préjudice subi.
 
DESTINATION RESTRICTIVE ET ABATTEMENT DE LA VALEUR LOCATIVE (CA Paris, Pôle 5, Chambre 3, 15 novembre 2017, RG 13/23011) :
 
Compte tenu des clauses exorbitantes du bail ayant une incidence sur la valeur locative, il convient de pratiquer un abattement de 20 % pour tenir compte de la restriction de la destination des lieux, le preneur risquant de ne pas trouver de successeur dans son commerce très atypique.
 
La destination contractuelle constitue l'un des critères de la valeur locative énoncés par l'article L 145-33 du code de commerce.
 
L'article R 145-5 rappelle que cette destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le Tribunal dans les cas prévus aux articles L 145-47 à L 145-55 (déspécialisation) et L 642-7 (déspécialisation dans le cadre de la liquidation judiciaire).
 
C'est ainsi que des clauses tous commerces ou pluri-commerces avec un large éventail d'activités justifieront une majoration de la valeur locative (Cass. 3ème civ., 3 novembre 2005, n° 04-16376, CA Nancy, 2 décembre 2008, RG : 04/03605).
 
Mais l'article R 145-8 impose également de prendre en compte " du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux… ", ce qui implique d'apprécier la valeur locative tant au regard des activités autorisées que des dispositions contractuelles encadrant la jouissance des locaux loués.
 
Dans cette espèce, le loyer de renouvellement devait être automatiquement fixé à la valeur locative compte tenu de la durée effective supérieure à douze années, tandis que le bail avait été consenti pour une activité assez désuète relative à la " vente d'articles d'artisanat, ainsi que l'importation et la vente de vêtements tibétains et indiens " et prévoyait, selon une clause désormais classique, que la cession n'est autorisée qu'en totalité au successeur dans le commerce.
 
Dans le cadre de son appréciation souveraine de la valeur locative, la cour d'appel a considéré que cette destination restrictive des lieux impliquait que le preneur risquait de ne pas trouver de successeur dans ce commerce très atypique, ce qui justifiait dès lors un abattement de 20 % de la valeur locative, et ce indépendamment de la déduction du montant de la taxe foncière au réel.
 
COMMENTAIRES A LA GAZETTE DU PALAIS, NUMERO SPECIAL DROIT DES BAUX COMMERCIAUX, DE 21 NOVEMBRE 2017 :
 
LOCAL ACCESSOIRE ET BENEFICE DU STATUT (Cass. 3ème civ, 14 septembre 2017, n° 16-21999) :
 
Ayant constaté que les locaux, situés en face du local principal de l'auto-école, lequel était d'une taille réduite et à usage de bureau, étaient utilisés pour les cours donnés à des élèves et que le parking adjacent était destiné aux véhicules utilisés pour les cours de conduite, la cour d'appel a souverainement retenu, sans dénaturation, qu'ils étaient indispensables à l'exploitation du fonds et, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit que le maintien dans les lieux à l'issue du bail dérogatoire avait donné naissance à un bail commercial.
 
 Aux termes de l'article L 145-1-I-1° du Code de commerce, le local accessoire bénéficie du statut des baux commerciaux si sa privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds. Si les locaux appartiennent à des propriétaires distincts, la location du local accessoire a dû intervenir au vu et au su du bailleur en vue d'une utilisation conjointe.
 
Dans cette affaire, l'exploitant d'une auto-école bénéficiait d'un bail commercial portant sur un local principal de taille réduite et à usage de bureau, et avait régularisé un bail dérogatoire de 24 mois sur d'autres locaux avec la stipulation selon laquelle ce bail portait sur des locaux accessoires non nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce du preneur et que celui-ci ne pouvait revendiquer le statut des baux commerciaux.
 
L'échéance de ce bail dérogatoire était intervenue le 31 janvier 1993 et l'exploitant avait depuis lors maintenu son occupation. C'est dans ces conditions que le nouveau bailleur saisissait le 25 avril 2012 le tribunal pour obtenir l'expulsion du locataire des locaux qualifiés par les parties de " locaux accessoires non nécessaires à l'exploitation du fonds ".
 
La cour d'appel infirmait le jugement qui avait été rendu en estimant que le locataire était titulaire d'un bail commercial sur le local, et ce à compter du 1er février 1993, soit dès le lendemain du bail dérogatoire de 24 mois.
 
Pour se prononcer ainsi, la Cour d'appel s'appuyait notamment sur un constat d'huissier relevant que le local accessoire était situé en face du local administratif de l'auto-école, servait de lieu pour les cours donnés à des élèves et se trouvait doté d'un matériel audiovisuel destiné à l'enseignement, tandis que le local principal, d'une taille réduite, était simplement à usage de bureaux.
 
Le pourvoi est logiquement rejeté, la Cour de cassation relevant que la cour d'appel avait souverainement retenu que le local s'avérait indispensable à l'exploitation du fonds d'auto-école, de telle sorte que le maintien dans les lieux à l'issue du bail dérogatoire avait donné naissance à un bail soumis au statut des baux commerciaux.
 
Il appartient au locataire de démontrer que la privation du local accessoire compromettrait la bonne exploitation de son fonds (Cass. 3e civ, 27 septembre 2005, n° 04-12297 ; Cass. 3e civ, 9 décembre 2008, n° 07-14989).
 
En l'espèce, la Cour a logiquement retenu que le local destiné à dispenser les cours aux élèves de l'auto-école s'avérait indispensable pour le maintien de l'exploitation.
 
DELAI POUR UNE DENEGATION DU DROIT AU STATUT APRES EXERCICE DU DROIT D'OPTION (Cass. 3ème civ, 7 septembre 2017, n° 16-15012) :
 
Le bailleur qui a offert le paiement d'une indemnité d'éviction après avoir exercé son droit d'option peut dénier au locataire le droit au statut des baux commerciaux tant qu'une décision n'a pas été rendue sur la fixation de l'indemnité d'éviction.
 
Par cet arrêt publié au Bulletin et au rapport annuel de la Cour de cassation, la Haute juridiction précise qu'un bailleur, qui a offert le paiement d'une indemnité d'éviction en exerçant son droit d'option, peut rétracter son offre de paiement de cette indemnité en déniant au preneur le droit au bénéfice du statut des baux commerciaux tant qu'une décision définitive n'a pas été rendue sur le montant de cette indemnité d'éviction.
 
Dans cette espèce, le bailleur avait signifié à son locataire un congé avec offre de renouvellement, puis avait exercé deux ans après le droit d'option qu'il tient de l'article L 145-57 du code de commerce, en délivrant congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction.
 
Quelques mois après l'exercice de ce droit d'option, le bailleur assignait le locataire en expulsion en lui déniant le bénéfice du statut des baux commerciaux pour défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés à la date du congé et à sa date d'effet (voir notamment : Cass. 3e civ, 8 septembre 2016, n° 15-17876).
 
Précédemment, la cour de cassation avait rappelé que la dénégation du bénéfice du statut pouvait intervenir au cours de l'instance en fixation de l'indemnité d'éviction (Cass. 3e civ, 3 novembre 2016, n° 15-25427). Elle précise dorénavant qu'un bailleur peut dénier le bénéfice des règles statutaires tant que la procédure de fixation de l'indemnité d'éviction est pendante.
 
Cette dénégation du bénéfice du statut des baux commerciaux ne serait donc pas soumise à prescription puisque la Haute juridiction précise qu'elle peut être exercée jusqu'à la décision définitive fixant l'indemnité d'éviction.
 
OBLIGATION DE DELIVRANCE ET TRAVAUX REQUIS POUR L'ACTIVITE EXERCEE (Cass. 3ème civ, 14 septembre 2017, n° 16-21.799) :
 
Une cour d'appel qui rejette une demande de condamnation du bailleur à rétablir un réseau d'évacuation de l'air vicié conforme aux normes au motif que l'installation d'origine n'est ni conforme, ni adaptée à l'activité de restauration exploitée dans les lieux loués et que les travaux de remise en état ne peuvent être imputés au bailleur dès lors que le locataire a installé une hotte aspirante sur le réseau existant sans respecter les normes du constructeur, a violé l'article 1719 du code civil alors qu'il incombe au bailleur de délivrer un local conforme à la destination contractuelle.
 
Sans qu'il ne soit besoin d'aucune stipulation particulière, l'obligation de délivrance d'un bailleur est de la nature du contrat de bail, toutes dispositions contraires s'avérant privées d'effet (Cass. 3e civ, 20 juin 2009, n° 07-20854 : Gaz. Pal. 5 mai 2009, p. 30, Note Brault C.E. ; Cass. 3e civ, 18 mars 2009, n° 08-11011 ; CA Paris, 5-3, 5 janvier 2011, n° 09-12098, Gaz. Pal. 12 mars 2011, p.25, Note Brault C.E).
 
Cette obligation prend naissance à l'origine du bail lors de l'entrée en jouissance du preneur, et persiste tout au long de sa durée puisqu'il s'agit d'une obligation instantanée et continue qui impose au bailleur l'obligation d'entretenir la chose louée en état de servir à l'usage convenu et de garantir le preneur d'une jouissance paisible durant le bail.
 
En l'espèce, un local avait été loué pour l'exercice d'un commerce de restaurant, sushi bar, et cette destination pluri commerces ne pouvait induire que la seule préparation d'aliments crus.
 
Le bail prévoyait que le preneur conservait à sa charge toutes les transformations et réparations nécessitées pour l'exercice de son activité et contenait également l'autorisation accordée au preneur d'installer une hotte aspirante professionnelle avec sortie sur l'extérieur de la façade.
 
Le locataire avait donc procédé à une installation qui cheminait dans les combles de l'immeuble et s'avérait également non conforme aux normes préconisées par le constructeur.
 
La cour d'appel relevait que le locataire ne justifiait d'aucune autorisation du bailleur pour le branchement de la hotte sur la colonne d'extraction des parties communes de l'immeuble, de telle sorte que les travaux de réparations préconisés par l'expert judiciaire ne pouvaient incomber au bailleur.
 
Cette décision est sanctionnée par la Cour de cassation qui rappelle l'obligation essentielle du bailleur de délivrer un local conforme à la destination contractuelle convenue.
 
Dorénavant et depuis le 1er octobre 2016, le nouvel article 1170 du code civil prévoit que " toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ".
 
On ne peut probablement pas en déduire que toute clause encadrant ou restreignant l'obligation stricte de délivrance du bailleur serait désormais réputée non écrite puisqu'il doit s'agir d'une clause qui priverait de sa substance, c'est-à-dire de son contenu, cette obligation de délivrance.
 
Une vigilance certaine s'impose dorénavant dans la rédaction des conventions locatives puisqu'il n'est pas exclu que la jurisprudence, en exécution de l'article 1170 du Code civil, réputent non écrites des clauses dont la licéité n'était pas remise en cause antérieurement.
 
CLAUSE RESOLUTOIRE ET POUVOIR DU JUGE DES REFERES POUR FIXER L'INDEMNITE D'OCCUPATION (Cass. 3ème civ, 6 juillet 2017, n° 16-19.564) :
 
Pour condamner le locataire au paiement d'une indemnité d'occupation journalière de 2 % du montant du loyer trimestriel TTC, la cour d'appel retient qu'il y a lieu de fixer cette indemnité conformément au contrat de bail jusqu'au départ définitif des lieux.
 
En statuant ainsi sur une demande d'indemnité d'occupation et non de provision, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les dispositions de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile.
 
Un grand nombre de baux prévoient la fixation d'une indemnité d'occupation en cas de résiliation du bail aux torts du preneur ou en cas de maintien dans les lieux après l'expiration du bail.
 
Il s'agit alors au bailleur d'obtenir une contrepartie financière à l'occupation des locaux et à l'immobilisation qui en découle, et ce dans des proportions importantes puisque certaines stipulations peuvent prévoir le paiement d'une somme correspondant à 1,5 fois voire 2 fois et parfois même 3 fois le montant du dernier loyer contractuel.
 
En l'espèce, la cour d'appel avait confirmé l'ordonnance de référé qui avait constaté l'acquisition de la clause résolutoire et condamné le locataire au paiement d'une indemnité d'occupation journalière correspondant à 2 % du montant du loyer trimestriel TTC.
 
Selon la 4ème branche du pourvoi, si le juge des référés a le pouvoir d'allouer une provision dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il ne peut prononcer une condamnation à réparation, sauf à excéder ses pouvoirs. Ce faisant, il était reproché à la cour d'appel avait excédé ses pouvoirs en violant l'article 809 du code de procédure civile puisqu'elle avait condamné le locataire défaillant non pas au paiement d'une simple provision à valoir sur l'indemnité d'occupation susceptible d'être due, mais au paiement d'une indemnité d'occupation correspondant à la sanction contractuelle.
 
La décision est donc censurée puisque l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile permet au juge des référés de statuer sur une demande de provision sans pouvoir prononcer une condamnation définitive correspondant à l'exécution d'une clause pénale dont l'application peut être mise en cause par le locataire défaillant.
 
DELIVRANCE PREMATUREE DE L'ASSIGNATION ET FIXATION DU LOYER DU BAIL REVISE (CA Paris, pôle 5, Chambre 3, 13 septembre 2017, n° 15/19371) :
 
Il n'est pas contesté que le mémoire préalable du preneur a été notifié le 12 mars 2015 et l'assignation a été délivrée le 3 avril 2015 pour l'audience du 27 mai 2015, cette assignation ayant ensuite été remise au greffe le 27 avril 2015.
 
C'est à juste titre, en application des articles R 145-27 du code de commerce et 791 du code de procédure civile que le preneur a été déclaré recevable en sa demande de fixation du loyer révisé, un délai supérieur à un mois s'étant écoulé entre la notification du mémoire préalable et la saisine du Juge des loyers commerciaux par la remise au greffe de l'assignation.
 
En l'espèce, le preneur revendiquait la fixation du loyer révisé en application de l'article L 145-38 du code de commerce et avait donc notifié son mémoire préalable le 12 mars 2015.
 
Avant l'expiration du délai d'un mois suivant la notification de ce mémoire préalable, le preneur avait déposé son dossier au greffe et obtenu une date d'audience devant le Juge des loyers. Il faisait ainsi délivrer son assignation par exploit du 3 avril 2015 et cette assignation était ensuite remise au greffe du tribunal le 27 avril 2015.
 
Or, selon l'article L 145-27 du code : " Le Juge ne peut, à peine d'irrecevabilité, être saisi avant l'expiration d'un délai d'un mois suivant la réception par son destinataire du premier mémoire établi (…) ".
 
Fallait-il considérer que l'action en fixation du loyer révisé était irrecevable au motif de l'obtention d'une date d'audience et de la délivrance d'une assignation avant l'expiration du délai d'un mois visé par l'article L 145-27 du code de commerce ?
 
Le Juge des loyers statue comme en matière de procédure à jour fixe et l'article R 145-28 du code de commerce vise expressément les articles 788 à 792 du code de procédure civile.
 
Or, selon l'article 791 de ce code, la saisine doit s'entendre de la mise au rôle de l'assignation et non de la délivrance : " Le Tribunal est saisi par la remise d'une copie de l'assignation au greffe ".
 
Il a d'ailleurs été jugé que la simple remise au greffe du mémoire pour obtenir la fixation d'une date d'audience, ne saisissait pas le Juge des loyers commerciaux et ne pouvait donc interrompre un délai de prescription (Cass. 3e civ. 23 janvier 2013, n° 11-20313).
 
En l'espèce, la cour d'appel constate donc qu'un délai supérieur à un mois s'est écoulé entre la date de notification du mémoire en demande et la saisine du Juge des loyers par la remise au greffe de l'assignation.
 
COMPETENCE POUR FIXER L'INDEMNITE D'OCCUPATION APRES REPENTIR (Cass. 3e civ, 14 septembre 2017, n° 16-18.444) :
 
Pour se déclarer matériellement incompétent pour statuer sur la demande en paiement de l'indemnité d'occupation due pour la période s'étant écoulée entre l'échéance du bail et la date du repentir, la cour d'appel a retenu que cette indemnité, régie par les dispositions de l'article L 145-28 du code de commerce, doit être fixée à la valeur locative, qu'elle doit être déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII et qu'elle relève de la compétence exclusive du Président du tribunal de grande instance en application de l'article R 145-23 du code de commerce.
 
En statuant ainsi, alors que le tribunal de grande instance est compétent pour statuer sur la fixation d'une indemnité d'occupation due en application des dispositions de l'article L 145-28 du code de commerce, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article R 145-23 du code de commerce.
 
Dans cette espèce, un bailleur avait signifié divers congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction au titre de divers lots loués à la société locataire et avait ensuite exercé son droit de repentir.
 
Le tribunal était saisi pour constater l'occupation sans droit ni titre d'un des lots loués au locataire ainsi que pour fixer l'indemnité d'occupation exigible pour les autres lots entre la date d'effet du congé et la date d'exercice du droit de repentir.
 
Le tribunal puis la cour d'appel ont considéré que cette indemnité d'occupation, régie par les dispositions de l'article L 145-28 du code de commerce, relevait de la compétence exclusive du Juge des loyers commerciaux en application de l'article R 145-23, et ce d'autant que cette demande ne pouvait être considérée comme une demande accessoire à la procédure d'expulsion du locataire pour l'un des lots qui lui avait été loué.
 
Or, l'article R 145-23 du code de commerce donne compétence exclusive au Juge des loyers commerciaux pour fixer le loyer du bail révisé ou renouvelé. Après l'exercice d'un droit de repentir, le preneur est redevable d'une indemnité d'occupation qui ne relève donc pas de la compétence exclusive du Juge des loyers commerciaux.
 
C'est le tribunal de grande instance qui est ainsi compétent pour connaître de l'action en fixation de l'indemnité d'occupation et ce principe a été rappelé par la Cour de cassation qui relevait que les dispositions relatives aux règles de procédures devant le Juge des loyers commerciaux étaient inapplicables à la procédure de fixation de l'indemnité d'occupation (Cass. 3e civ. 5 février 2003, n° 01-16354).