Décisions récentes commentées par Maître Charles-Edouard BRAULT

COMMENTAIRES A LA GAZETTE DU PALAIS, NUMERO SPECIAL DROIT DES BAUX COMMERCIAUX, DU 11 JUILLET 2017 :
 
" SANCTION D'UNE CLAUSE D'INDEXATION NE VARIANT QU'A LA HAUSSE (CA Paris, Pôle 5, Chambre 3, 19 avril 2017, n° 15/09296) :
 
La clause d'indexation prévue dans le bail exclu, en cas de baisse de l'indice, l'ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l'indice publié dans le même temps, alors que le propre d'une clause d'échelle mobile est de faire varier le loyer à la hausse et à la baisse et que la clause figurant au bail, écartant toute réciprocité de variation, fausse le jeu normal de l'indexation et contrevient aux dispositions de l'article L 145-39 du code de commerce.
 
Par ailleurs, ladite clause écartant toute modification du loyer en cas de baisse de l'indice choisi, la révision interviendra nécessairement sur une période plus longue que celle de la variation des indices, en contradiction avec les dispositions d'ordre public de direction de l'article L 112-2 du code monétaire et financier, qui prohibe l'organisation contractuelle d'une distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre deux révisions.
 
Il doit être retenu le caractère indivisible de la clause d'indexation sans qu'il y ait lieu de distinguer le principe de l'indexation de ses modalités d'application, de sorte que la clause doit être réputée non écrite en son entier.
 
La clause d'indexation prévoyait que le loyer actualisé serait ensuite indexé annuellement mais uniquement à la hausse avec la précision selon laquelle le preneur reconnaissait que cette clause d'indexation à la hausse constituait une condition essentielle et déterminante du bail en raison de la " constance de l'usage " en matière de centres commerciaux.
 
Après divers arrêts de cours d'appel, la Cour de cassation s'est prononcée en précisant qu'une clause d'indexation qui excluait la réciprocité de la variation et stipulait que le loyer ne pouvait être révisé qu'à la hausse était nulle puis en approuvant une cour d'appel qui avait apprécié souverainement le caractère essentiel de l'exclusion d'un ajustement à la baisse du loyer à la soumission du loyer à l'indexation en déduisant que la clause devait être réputée non écrite (Cass. 3e civ, 14 janvier 2016, n° 14-24681, AJDI 2016 p. 365, note Planckeel F., Loyers et Cop. 2016, com. n° 66, note Brault Ph-H).
 
En l'espèce et dans son arrêt rendu le 19 avril 2017, la cour d'appel de Paris reprend cette motivation tout en précisant que l'absence de réciprocité de la variation contrevenait aux dispositions de l'article L 145-39 du code de commerce et créait une distorsion pour la prise en compte des indices de variation, et ce en contradiction avec les dispositions d'ordre public de l'article L 112-1 du code monétaire et financier.
 
C'est donc au regard de ces deux textes que la sanction de la clause litigieuse doit intervenir, et ce dans le cadre d'une motivation qui doit être approuvée
 
Si la Haute juridiction semble laisser au juge du fond l'appréciation souveraine de la sanction qui doit être retenue, la cour de Paris dans un arrêt du 13 avril 2016 relevait le caractère indivisible de la clause d'indexation dès lors qu'il n'était pas possible de distinguer entre le principe de l'indexation voulue par les parties de ces modalités d'application (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 13 avril 2016, n° 14/06301, Loyers et Cop. 2016, com. n° 179).
 
Cette motivation est reprise par la cour dans son arrêt du 19 avril 2017 qui accorde une primauté au caractère essentiel de l'ensemble de la clause d'indexation.
 
La sanction est sévère alors même que les parties avaient déclaré que l'indexation constituait une clause essentielle et déterminante du bail.
 
" LA NULLITE D'UNE CLAUSE FAISANT ECHEC A LA REVISION DE L'ARTICLE L 145-39 (Cass. 3e civ, 30 mars 2017, n° 16-13914) :
 
Une clause selon laquelle " il a été expressément convenu, comme constituant une condition essentielle et déterminante du présent bail, sans laquelle il n'aurait pas été consenti, que le preneur renonce pendant toute la durée du présent bail à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer contractuel défini ci-dessus, même dans le cas où la valeur locative se révèlerait inférieure au loyer contractuel " a pour effet de faire échec au réajustement du loyer en vigueur à la valeur locative.
 
La renonciation par le preneur à son droit d'obtenir la révision ne pouvait valablement intervenir qu'une fois ce droit acquis, soit après le constat d'une augmentation du loyer de plus d'un quart par le jeu de la clause d'échelle mobile.
 
Il s'agissait de déterminer si l'une des parties peut renoncer à la révision du loyer en cours de bail et, dans l'affirmative, la date à laquelle cette renonciation peut intervenir.
 
L'ordre public attaché aux dispositions relatives à la révision du loyer est un ordre public de protection. Il est possible d'y renoncer mais cette renonciation n'est possible qu'une fois le droit acquis (Cass. 3e civ, 6 novembre 1991, n° 90-15605, Loyers et Cop. 1992, com. n° 302).
 
La même solution est réaffirmée par la Haute juridiction dans son arrêt du 30 mars 2017 et une renonciation ne peut intervenir le jour de la signature du bail ou même en cours de bail qu'après que les conditions de mise en œuvre de la révision sont réunies.
 
" EXPULSION DU LOCATAIRE ET SUSPENSION DE LA CLAUSE RESOLUTOIRE (Cass. 3ème civ, 27 avril 2017, n° 16-12179) :
 
Pour la cour d'appel, une mesure d'expulsion ordonnée par le premier juge et exécutée ne permet plus au locataire d'obtenir des délais de paiement rétroactif ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire du bail et seule une demande de réintégration aurait été de nature à lui permettre de reprendre possession des lieux pour poursuivre son activité.
 
En statuant ainsi alors que le titulaire d'un bail commercial peut demander des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n'est pas constatée par une décision passée en force de chose jugée, la cour d'appel a violé l'article L 145-41 du code de commerce.
 
 Il est admis qu'un juge ne peut suspendre les effets de la clause résolutoire sans accorder des délais au preneur, tandis que ces délais ne peuvent être octroyés automatiquement, mais doivent être sollicités (Cass. 3e civ, 7 décembre 2004, n° 03-18144 : Gaz. Pal. 2005.1, page 1245, note Brault CE ; Cass. 3e civ, 8 avril 2010, n° 09-11292 : Gaz. Pal. 17 juillet 2010, page 40, note Brault CE ; AJDI 2010, page 798, note Blatter JP)
 
La cour d'appel avait confirmé l'ordonnance et débouté la locataire de sa demande d'octroi de paiement rétroactif et de suspension des effets de la clause résolutoire au motif que la mesure d'expulsion ordonnée par le premier juge avait été exécutée.
 
L'arrêt est donc logiquement sanctionné par la Cour de cassation puisque le locataire peut toujours demander des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire tant qu'aucune décision n'est passée en force de chose jugée (Voir également : Cass. 3e civ, 12 mai 2016, n° 15-14117, Gaz. Pal. 15 novembre 2016, page 67, note Brault CE).
 
" CLAUSE RESOLUTOIRE ET NOTIFICATION AUX CREANCIERS INSCRITS (Cass. 3e civ, 16 mars 2017, n° 15-29206) :
 
La cour d'appel a retenu à bon droit qu'aucune disposition légale n'impose au bailleur de dénoncer le commandement de payer visant la clause résolutoire aux créanciers inscrits.
 
Ayant relevé que le commandement de payer et l'assignation en référé visaient des loyers échus après le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel a exactement retenu que les dispositions de l'article L 622-23 du code de commerce n'étaient pas applicables.
 
Il était fait reproche au bailleur de ne pas avoir dénoncé le commandement aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce de telle sorte que la procédure d'acquisition de la clause résolutoire ne serait pas valable.
 
Or, l'article L 143-2 du code de commerce impose au bailleur de notifier la demande de résiliation judiciaire du bail, et ce passé le délai d'un mois visé par l'article L 145-41 du code de commerce.
 
Le texte ne précise pas la nature de l'acte qui doit effectivement être dénoncé, mais il a été jugé que la mission d'information aux créanciers inscrits ne s'impose pas pour le commandement ou la mise en demeure du bailleur mais pour la demande en justice devant le juge des référés ou le juge du fond (Cass. 3ème civ, 21 juillet 1975, JCP G 1977, II, 18545, note Boccara B).
 
Cette solution avait ensuite été retenue dans le cadre d'une acquisition de la clause résolutoire (Cass. 3ème civ, 22 mars 2006, Administrer, octobre 2006, page 49 ; Rev. Loyers, 2006 page 276) qui impose de dénoncer la demande en justice, soit l'assignation, en se plaçant à la date de cette assignation pour déterminer le ou les créanciers à qui la demande doit être dénoncée (Cass. 3ème civ, 3 octobre 2007, n° 05-22031 et 06-12478 ; Loyers et Cop. 2008, Com. n° 132). 
En l'espèce, la Cour de cassation approuve justement la cour d'appel qui avait retenu qu'aucune disposition n'imposait au bailleur de dénoncer le commandement.
 
" LE PRENEUR NE PEUT INVOQUER UNE CLAUSE RESOLUTOIRE (Cass. 3ème civ, 27 avril 2017, n° 16-13625) :
 
Ayant relevé que la clause résolutoire avait été stipulée au seul profit du bailleur et que celui-ci demandait la poursuite du bail, la cour d'appel a exactement déduit, de ces seuls motifs, sans dénaturation, que la locataire ne pouvait se prévaloir de l'acquisition de la clause.
 
Par cet arrêt, la Haute juridiction vient rappeler le principe selon lequel une clause résolutoire insérée dans un bail n'est stipulé qu'au seul profit du bailleur qui peut donc seul la mettre en œuvre.
 
Un bailleur reste libre d'invoquer ou non la clause résolutoire sans que la mention de la faculté alternative de la mettre en œuvre " si bon lui semble " ne puisse jouer un réel effet car une clause résolutoire est stipulée dans le seul intérêt du bailleur.
 
C'est d'ailleurs ce qu'avait retenu la cour d'appel approuvé par la Haute juridiction. Rien n'interdit un bailleur de renoncer explicitement au bénéfice de la clause résolutoire même après la délivrance du commandement…
 
" REFUS DE RENOUVELLEMENT ET PRESCRIPTION BIENNALE (Cass. 3e civ, 30 mars 2017, n° 16-13.236) :
 
Il résulte des articles L 145-28 et L 145-60 du code de commerce que le locataire, qui entend demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit agir avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné et que le seul fait de délivrer un congé avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction en application de l'article L 145-9 du même code ne vaut pas reconnaissance de ce droit à indemnité.
 
En relevant que le locataire n'avait pas demandé le paiement d'une indemnité d'éviction avant l'expiration du délai de deux ans, la cour d'appel en a exactement déduit, sans modifier l'objet du litige, que l'action en paiement de l'indemnité d'éviction était prescrite et que le locataire ne pouvait plus se prévaloir, fusse par voie d'exception, du droit au maintien dans les lieux qui en est le corollaire.
 
 Avant la réforme du 17 juin 2008, la prescription était interrompue durant le temps de l'instance et un nouveau délai de deux ans commençait à courir à compter du prononcé de l'ordonnance désignant l'expert.
 
Depuis cette réforme, la prescription est suspendue par la procédure de désignation d'un expert judiciaire et un délai de prescription recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois à compter du jour où la mesure a été exécutée (article 2239 du code civil).
Or, lorsqu'un preneur se voit notifier un refus de renouvellement avec offre de payer l'indemnité d'éviction, il lui incombe de solliciter la fixation de cette indemnité et son paiement dans le délai de deux ans, et ce sous peine de prescription (Cass. 3e civ, 31 mai 2007, Loyers et Cop. 2007, com. n° 153 ; CA Versailles, 29 novembre 2007, Loyers et Cop. 2008, com. n° 162).
 
" PRISE EN COMPTE DE LA TVA POUR L'APPRECIATION DE L'INDEMNITE D'EVICTION (Cass. 3ème civ, 27 avril 2017, n° 16-11307) :
 
Pour limiter à une certaine somme l'indemnité d'éviction, la cour d'appel retient que l'évaluation doit s'effectuer sur la base du chiffre d'affaires et que la société locataire n'établit pas qu'il serait d'usage dans son secteur d'activité de prendre en compte les chiffres d'affaires toutes taxes comprises, alors que les experts amiable et judiciaire ont retenu des chiffres d'affaires hors taxes dans leurs évaluations respectives.
 
En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher elle-même si l'usage de la profession n'était pas d'inclure la TVA dans le montant du chiffre d'affaires servant de base au calcul de l'indemnité d'éviction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
 
Par un important arrêt du 5 février 2014, la Cour de cassation a rappelé que le fait qu'une indemnité réparatrice ne soit pas soumise à la TVA ne faisait pas obstacle à la prise en compte pour sa fixation d'éléments comptables arrêtés toutes taxes comprises. L'arrêt de la cour d'appel était donc censuré pour avoir retenu que seul le montant hors taxes du chiffre d'affaires devait être pris en considération au motif que l'indemnité attribuée s'inscrivait dans la réparation d'un préjudice et non dans une transaction imposable (Cass. 3ème civ, 5 février 2014, n° 13-10174, Gaz. Pal. 18/19 avril 2014, page 31, note Brault CE).
 
En l'espèce, il s'agissait de l'éviction d'un bar hôtel restaurant sans que l'on puisse déterminer si l'ensemble des activités autorisées étaient effectivement exercées.
 
Pour rejeter la demande du locataire évincé d'inclure la TVA sur le montant du chiffre d'affaires servant de base à l'évaluation, le juge du fond avait retenu que le locataire ne justifiait pas de cet usage dans son secteur d'activité, alors que l'expert judiciaire et l'expert amiable n'avaient pas pris en compte la TVA pour apprécier le préjudice subi.
 
Mais cette décision est sanctionnée par la Haute juridiction qui fait donc grief au juge du fond de ne pas avoir recherché l'usage qu'il en était dans la branche d'activité exercée par le locataire.
 
COMMENTAIRES A LA GAZETTE DU PALAIS, NUMERO SPECIAL DROIT DES BAUX COMMERCIAUX, DE 14 MARS 2017 :
 
" CLAUSE D'INDEXATION ET DISTORSION TEMPORELLE ENTRE LES INDICES (Cass. 3ème civ, 9 février 2007, n° 15-28691) :
 
Ayant constaté que la clause d'indexation disposait que l'indice à prendre en considération serait le dernier indice publié au 1er janvier de chaque année, l'indice de référence étant le dernier connu au 1er juillet 1996, et relevé que la bailleresse avait, lors de la première révision le 1er janvier 1998, pris en compte l'indice publié à cette date, soit celui du 2ème trimestre 1997, et l'avait rapporté à celui connu au 12 juillet 1996, soit celui du 1er trimestre 1996, la cour d'appel qui a constaté une distorsion temporelle entre l'indice de base fixe et l'indice multiplicateur a légalement justifié sa décision en déclarant non écrite la clause d'indexation.
 
Cet arrêt constitue un nouvel apport sur la validité des clauses d'indexation. La licéité d'une clause calculant l'indexation du loyer à partir d'un indice de base fixe a été reconnue à maintes reprises, seule une distorsion entre l'intervalle de variation indiciaire et la durée s'écoulant entre deux indexations étant sanctionnée par le caractère non écrit de la clause (Cass. 3ème civ, 16 octobre 2013, n° 12-16335 ; Cass. 3ème civ, 3 décembre 2014, n° 13-25034, Gaz. Pal. 12 avril 2015, page 20, obs. Brault CE  ; Cass. 3ème civ, 27 janvier 2015, n° 13-25576).
 
Plus récemment, d'autres décisions sont venues sanctionner diverses clauses d'indexation en posant notamment le caractère illicite d'une clause d'indexation qui ne jouait qu'à la hausse (Cass. 3ème civ, 14 janvier 2016, n° 14-24681).
 
En l'espèce, le bail prévoyait une indexation annuelle le 1er janvier de chaque année, en précisant que l'indice à prendre en compte devait être le dernier indice publié au 1er janvier de chaque année, tandis que l'indice de base fixe était le dernier indice connu au 1er juillet 1996, soit à la date de signature du bail.
 
Il fallait donc que le juge du fond constate la distorsion temporelle entre l'indice de base fixe et le premier indice multiplicateur à l'occasion de la première indexation de 1998…La cour d'appel a relevé logiquement cette distorsion puisque le loyer avait été réévalué à la première indexation sur une période de variation de l'indice de 12 mois, alors que le loyer contractuel n'était exigible que depuis 7 mois compte tenu de la date différée de mise à disposition des locaux et de prise d'effet du bail.
 
Dans son arrêt du 9 février 2017 destiné à la publication au bulletin, la Cour de cassation rejette logiquement le pourvoi en relevant que le juge du fond avait constaté cette distorsion temporelle entre l'indice de base fixe et l'indice multiplicateur : Lorsqu'un bail est consenti avec une prise d'effet différée, le contrat ne peut d'ores et déjà prévoir l'indice de base fixe et ce a fortiori lorsque l'indexation conventionnelle interviendra à une date fixée (soit en l'espèce, le 1er janvier de chaque année) et non à une échéance anniversaire de prise d'effet du bail
 
" REVISION ET MODIFICATION MATERIELLE DES FACTEURS LOCAUX (CA Aix-en-Provence, 11ème Chambre A, 13 décembre 2016, n° 15/16267) :
 
Selon l'article L. 145-38 du Code de commerce, la variation de plus de 10 % de la valeur locative doit être due à la seule modification des facteurs locaux de commercialité à l'exclusion des autres éléments déterminant la valeur locative.
 
L'implantation de nouvelles enseignes dans un secteur à la notoriété acquise et fortement marchand, comme le Carré d'Or à Cannes, constitue certes une évolution, mais pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.
 
Cet arrêt est l'illustration de la difficulté d'obtenir le déplafonnement du loyer dans le cadre de la révision prévue à l'article L. 145-38 du Code de commerce. Selon cet article, plusieurs conditions cumulatives doivent être remplies : 
 
- une modification des facteurs locaux de commercialité qui doit être matérielle et avoir un impact sur le commerce exploité dans les lieux loués ;
- et cette modification doit avoir entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative.
 
Il faut donc une modification concrète des éléments relatifs à la commercialité d'un emplacement (article R. 145-6 du Code de commerce) ce qui correspondra à une transformation et non à une simple évolution ou augmentation.
 
Les conditions sont donc particulièrement difficiles à réunir et la simple évolution quantitative de la commercialité ne peut suffire, telle la venue de nouvelles enseignes nationales alors que le secteur bénéficiait d'ores et déjà d'une forte commercialité avec une réelle notoriété.
 
" LOYER VARIABLE ET POUVOIR DU JUGE POUR FIXER LE LOYER MINIMUM GARANTI (Cass. 3e civ, 3 novembre 2016, n° 15-16.826) :
 
La stipulation selon laquelle le loyer d'un bail commercial est composé d'un loyer minimum et d'un loyer calculé sur la base du chiffre d'affaires du preneur n'interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative ; le juge statue alors selon les critères de l'article L 145-33 du Code de commerce, notamment au regard de l'obligation contractuelle du preneur de verser en sus du minimum garanti, une part variable en appréciant l'abattement qui en découle.
 
A violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L 145-33 du Code de commerce, l'arrêt qui pour rejeter la demande de fixation du loyer de base par le juge des loyers commerciaux, retient que l'existence d'une clause de loyer binaire induit une incompatibilité avec les règles statutaires relatives à la fixation du loyer puisque celui-ci, dans un tel bail, n'est pas fixé selon les critères définis à l'article L 145-33 que le juge des loyers commerciaux a l'obligation d'appliquer, mais peut prendre en considération des éléments étrangers à cette énumération tel qu'un pourcentage sur le chiffre d'affaires réalisé par le preneur, que l'accord des parties et la liberté contractuelle dont il est l'expression ne permet pas d'écarter cette incompatibilité, que, si les parties peuvent librement stipuler s'agissant du loyer initial et peuvent, d'un commun accord, fixer par avance les conditions de fixation du loyer du bail renouvelé, elles ne peuvent que stipuler sur les droits dont elles ont la disposition, qu'en l'espèce, dans le débat judiciaire qui s'ouvre en raison du désaccord des parties, les dispositions de l'article L 145-33 s'imposent au juge des loyers commerciaux qui ne saurait fixer par application d'autres critères que ceux que la loi lui prescrit le loyer du bail renouvelé qui ne peut en aucun cas excéder la valeur locative.
 
Dans un arrêt de principe dit " Théâtre Saint-Georges " du 10 mars 1993, la Cour de cassation a posé, pour les renouvellements, le principe précédemment admis pour les révisions en relevant que la fixation du loyer renouvelé d'un bail à loyer variable échappait aux dispositions statutaires et n'était régie que par la convention des parties (Cass. 3ème civ, 10 mars 1993, n° 91-13418).
 
Les rédacteurs des baux à loyer variable ont introduit des clauses selon lesquels le loyer de base ou loyer minimum garanti, à défaut d'accord des parties, devait faire l'objet d'une fixation à la valeur locative en renouvellement.
 
Par cette importante décision, la haute juridiction donne compétence aux juges des loyers commerciaux pour fixer le loyer minimum garanti ou loyer de base dans le cadre d'un bail à loyer variable, tout en précisant que le juge doit statuer alors selon les critères de l'article L. 145-33 du Code de commerce.
 
Dans le cadre de l'appréciation de cette valeur locative, la haute juridiction guide le juge du fond en précisant qu'il doit statuer " …notamment au regard de l'obligation contractuelle du preneur de verser, en sus du minimum garanti, une part variable en appréciant l'abattement qui en découle. ".
 
Le juge ne devra donc pas seulement fixer la valeur locative mais prendre en compte l'ensemble des critères de cette valeur locative en ceux compris le dernier alinéa de l'article R. 145-8 du Code de commerce qui prévoit la prise en compte " des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé ".